David Cage revient sur le succès de Heavy Rain lors de la cérémonie des BAFTA et parle du prochain projet de Quantic Dream

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Hier, lors des Video Game BAFTA, le thriller interactif exclusif au système PS3 a remporté les prix de la meilleure innovation technique, de la meilleure musique originale et du meilleur scénario. Dès la fin de la cérémonie, je me suis aventuré dans la salle de presse (où m’attendait une mêlée digne du Tournoi des Six Nations) pour obtenir un entretien avec David Cage, le scénariste et réalisateur de Heavy Rain.

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Que ressentez-vous après avoir reçu trois BAFTA au cours de cette soirée ?

Je suis très fier d’avoir remporté ces trois récompenses. Nous sommes venus ici sans attente particulière et c’est une grande fierté pour mon équipe qui a travaillé si dur pendant trois ans de développement. Je suis également très heureux pour Sony qui a misé gros sur ce jeu tout en nous faisant confiance et en nous apportant son soutien jusqu’au bout, ce qui n’aurait pas été le cas de tous les éditeurs.

D’un point de vue personnel, que compte le plus à vos yeux : les récompenses, les critiques ou les ventes ?

Les ventes, ça ne fait aucun doute. Et je ne parle pas de l’argent que ça représente. On ne crée pas des jeux pour les journalistes ou les membres d’un jury, mais pour le public. Pour les joueurs. Près de deux millions de personnes ont déboursé jusqu’à 69 € pour jouer à Heavy Rain et c’est pour moi une immense satisfaction.

Laquelle des récompenses de ce soir vous touche le plus ?

Elles me touchent toutes mais, d’un point de vue personnel, c’est celle du meilleur scénario. J’ai travaillé très dur sur ce jeu, à en inventer les règles. L’enjeu, c’était d’être créatif et de rester dans l’émotion tout en prenant en compte les aspects techniques tels que la structure du jeu et les différentes variables indispensables à son fonctionnement. Pendant un an, j’ai passé 12 à 15 heures par jour à écrire et j’ai dû faire de nombreux sacrifices. Comme je l’ai dit sur scène, je tiens à dédier ces récompenses à ma famille et, plus particulièrement, à mes deux fils qui ne m’ont pas beaucoup vu lors du développement mais qui ont malgré tout partagé ma passion.

Heavy Rain

Les équipes de développement étant de plus en plus importantes, pensez-vous que le concept d’« auteur » puisse s’appliquer au jeu vidéo ?

Absolument, et c’est même indispensable. Si l’industrie veut gagner en maturité et évoluer, alors il faut recourir aux émotions et développer des histoires qui parlent à tout le monde, pas seulement aux joueurs hardcore de 15 à 17 ans. Il existe tout un public potentiel qui attend juste qu’on lui propose les bonnes idées.

50 personnes différentes ne peuvent pas écrire une bonne histoire. Une histoire, c’est fait d’émotions. C’est quelque chose de personnel, d’intimement lié à notre vie et à nos expériences, et qu’on souhaite partager. Pour cela, il nous faut des auteurs et c’est là tout le problème : l’industrie du jeu vidéo ne fait pas confiance aux auteurs, mais aux programmeurs. Les auteurs ont tendance à faire peur parce qu’ils apportent avec eux des idées nouvelles, mais c’est exactement ce dont nous avons besoin.

Ces récompenses pour Heavy Rain sont-elles l’aboutissement de votre travail sur Fahrenheit ?

Le support sur lequel nous travaillons est encore jeune et il n’existe aucun langage connu pour raconter une histoire interactive. Nous sommes tous des débutants en la matière. Pour ma part, j’ai commencé à apprendre il y a 15 ans avec The Nomad Soul. À l’époque, personne n’avait compris l’histoire du jeu car c’était brouillon et mal raconté. Par la suite, j’ai eu la chance de travailler sur Fahrenheit. Là, l’histoire tenait la route pendant les deux premiers tiers du jeu, mais la fin était un peu ratée. J’ai donc continué à travailler l’écriture et, avec Heavy Rain, j’ai le sentiment d’avoir réussi à raconter plusieurs histoires cohérentes et efficaces du début à la fin.

Heavy Rain est le résultat de ces 15 années de lutte et d’acharnement face à ce nouveau langage. Cette récompense est l’une de mes plus belles réussites, mais je ne la considère pas comme un accomplissement, plutôt comme un tremplin. Je tiens enfin une formule qui marche. Maintenant, je peux m’en servir comme base de départ et continuer à apprendre. Je suis encore un débutant.

Pour notre prochain projet, nous allons nous servir de ce que nous avons appris avec Heavy Rain. Nous nous sommes imposés dans le genre de la fiction interactive et nous voulons prouver que Heavy Rain n’a rien d’un coup de chance. C’est une expérience riche de sens qui nous servira de base à l’avenir.

Ceci dit, nous n’avons pas l’intention de développer une suite. Dès le début, sans savoir si le jeu serait un échec ou un succès, j’ai été très clair sur ce point car je voulais montrer que ce nouveau genre pourrait servir à raconter n’importe quelle histoire, de n’importe quel style.

Nous allons emprunter une voie complètement différente de celle de Heavy Rain, mais toujours sombre et destinée à un public adulte. Notre objectif, c’est de satisfaire nos fans, mais aussi de les surprendre.

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