Quand Fred est arrivé à la tête du PlayStation Blog EU il y a un mois ou deux, il nous avais promis quelques nouvelles rubriques régulières. Aujourd’hui, nous sommes ravis de vous dévoiler la première : Les coulisses des classiques. Tous les quinze jours (c’est ce qui est prévu, du moins), il interviewera un créateur qui se cache derrière un jeu culte PS One ou PlayStation 2. Et pour cette première, Andy Gavin, le co-fondateur de Naughty Dog, a eu la gentillesse de nous accorder un peu de son temps pour nous parler de la conception d’un jeu de plate-forme révolutionnaire sorti en 2001 sur PS2, Jak & Daxter.
Si vous avez des idées pour de futures interviews n’hésitez pas à nous laisser vos suggestions ci-dessous. Ne voyez pas trop grand, ces gens-là ne sont pas toujours disponibles, mais nous ferons de notre mieux.
Et sans plus attendre, on se tourne vers Andy…
Quelle était l’idée originale derrière ce jeu ? Est-ce que vous projetiez de créer une mascotte PlayStation 2 qui pourrait rivaliser avec Crash Bandicoot ?
Andy Gavin : Évidemment, nous voulions que ce jeu ait autant de succès que Crash, et même plus ! C’était notre but, même si le résultat n’a pas vraiment été atteint.
Quand on a l’idée d’un nouveau jeu, les deux aspects sur lesquels on se concentre en premier sont le genre et le style. Parlons d’abord du genre : sur PS One, il semblait impossible d’avoir un monde ouvert en 3D qui ait un bon rendu visuel. La plateforme n’avait pas de fonctionnalité qui gère le sorting ou le clipping, et le nombre de polygones pris en charge était assez bas. En plus, il fallait créer une caméra contrôlée par l’IA qui ne donnerait pas le mal de mer aux joueurs, et c’était un vrai défi. Alors on avait verrouillé l’angle de vue pour améliorer la qualité des graphismes, et on s’était concentrés sur un gameplay classique à la Donkey Kong Country.
Mais avec Super Mario 64, Miyamoto a prouvé qu’un monde ouvert était possible, même si ce jeu était sur N64 et que la caméra était souvent très agaçante. En janvier 1999, au moment où on a commencé Jak & Daxter, d’autres jeux plus modernes comme Banjo-Kazooie avaient fait d’énormes progrès au niveau de la jouabilité. Il était clair que la full 3D pouvait donner quelque chose de génial sur PS2.
Est-ce que vous vous êtes inspiré de quelque chose en particulier pour créer l’atmosphère du jeu ?
Crash avait rencontré un immense succès, en grande partie grâce à notre collaboration avec les producteurs de Sony dans le monde entier. Pour Jak & Daxter on voulait créer un univers qui fusionne les éléments de toutes les cultures du monde. Il suffit de regarder Jak, qui est un mélange de cartoon et de manga. On a demandé à tous les artistes de Naughty Dog de faire des croquis des divers éléments visuels du jeu. Au bout de quelques jours, on a étalé tous les dessins sur une immense table, et on a choisi ceux qui plaisaient le plus au groupe.
Pour l’époque, c’était un projet très ambitieux. Quel aspect de votre idée originale a été la plus difficile à réaliser ?
Chez Naughty Dog, le développement d’un jeu sur une nouvelle plateforme est toujours mouvementé, et Jak n’a pas fait exception. C’était très difficile de programmer sur PS2, car ce système venait juste de sortir, alors on n’avait aucun modèle sur lequel s’appuyer. En plus, j’avais fait le choix audacieux d’écrire l’ensemble du jeu dans un langage de programmation de mon invention, le GOAL, ce qui nous permettait d’utiliser un outil de compilation et de débogage complètement nouveau tout au long du développement. En outre, pour mettre la barre plus haut au niveau des graphismes, on a mis au point toute une série de nouvelles technologies : plusieurs systèmes de niveau de détail différents, environ une dizaine de moteurs de rendu, des temps de chargement quasi-inexistants sur le DVD, une physique avancée du moteur d’exécution et un système d’animation qui pouvait rivaliser avec les outils offline. C’était complètement démentiel, et il nous a bien fallu 20 mois de programmation avant que le moteur puisse produire le genre de niveaux qu’on voulait.
Pouvez-vous nous en dire plus au sujet du 3ème personnage ? Pourquoi n’est-il pas apparu dans le jeu ?
On n’a jamais vraiment envisagé d’inclure un 3ème personnage. Mais au départ, on avait de grands projets pour Daxter. On voulait qu’il puisse descendre de l’épaule de Jak, se balader et faire des tas de trucs. Mais on n’a pu faire ça qu’à partir du 2ème jeu. Même chose pour les véhicules. On a tout juste réussi à en intégrer un, mais au départ, on avait prévu quelque chose de beaucoup plus agressif.
Est-ce que le jeu fini était proche du concept original ?
Très proche. Nous voulions plonger le joueur dans un monde graphiquement magnifique qu’il pourrait explorer sans aucune restriction. On voulait qu’il y ait zéro temps de chargement, une narration élaborée, une caméra qu’on n’ait pas besoin d’ajuster manuellement, et un gameplay qui oscille entre plateforme classique et jeu de voiture.
De quel élément du jeu êtes-vous le plus fier ?
J’hésite entre deux choses : premièrement, GOAL, mon langage personnalisé et environnement de développement. Ça s’est révélé beaucoup plus dur que j’avais pu l’imaginer, et c’est certainement l’élément de programmation le plus sophistiqué que j’aie réalisé dans toute ma carrière. Le résultat final était vraiment génial, même s’il avait ses bizarreries. Je suis aussi extrêmement fier de notre univers si fluide sans aucun temps de chargement. Nous avons été les premiers à y parvenir (j’ai même un brevet), et peu ont essayé de réitérer l’exploit. Ça a demandé beaucoup de travail !
Et n’oublions pas les commandes de Jak, que j’ai moi-même programmées. Jak a des commandes vraiment exceptionnelles, qui n’ont rien à envier à celles de tous les autres jeux. Son animation est incroyablement fluide, et pourtant il réagit instantanément aux sollicitations du joueur ou de l’environnement. Même les éléments les plus basiques de ces commandes ont été écrits et réécrits une bonne douzaine de fois.
Quel souvenir espérez-vous que le premier Jak & Daxter va laisser ? Qu’a-t-il apporté au monde du jeu vidéo ?
Andy Gavin : La chose la plus importante qu’il ait apporté au jeu vidéo (et il y en a beaucoup d’autres), c’est ce mélange complet et constant entre le jeu et son histoire. Ce concept a atteint son apogée avec Jak 2, et il est présent dans beaucoup des derniers jeux Naughty Dog comme Uncharted. Jak a une histoire détaillée et élaborée, mais reste toujours un jeu vidéo et pas un film semi-interactif ! La narration ne se fait pas aux dépens du gameplay.
Personnellement, quel est le personnage de Naughty Dog (Crash, Jak & Daxter, ou Nathan Drake) que vous préférez ?
Mes préférés sont Crash et Neo Cortex, et j’ai également un faible pour Daxter, parce qu’il est vraiment marrant. Les personnages de la série Uncharted sont vraiment géniaux, mais je ne me suis pas vraiment occupé d’eux, alors je ne m’y suis pas trop attaché. Bien sûr, mes personnages sont un peu mes bébés et je les aime tous, même ceux qui ont été un peu oubliés comme Keef the Thief, mais le rictus orange de Crash me fait fondre, et Cortex est le personnage auquel j’aimerais secrètement ressembler… si je vivais dans un cartoon 🙂
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