Au-delà du jeu : comment Tekken 3 a rendu tout le monde dingue de Kung-Fu

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Au-delà du jeu : comment Tekken 3 a rendu tout le monde dingue de Kung-Fu

Tekken 7 marque le retour de la franchise de combat sur PlayStation. C’est l’occasion pour nous de nous intéresser à la création de l'un des opus les plus emblématiques de la série

En 1998, PlayStation était bien plus qu’une simple console de jeu. Au cours de ses quatre années d’existence, elle avait atteint le statut de phénomène de société. Il est difficile d’imaginer la fin des années 90 sans tous ces visages familiers de PlayStation.

Namco et son Tekken 3, c’était bien plus qu’un jeu de combat. Bien sûr, il s’agissait du successeur des deux premiers jeux qui avaient aidé PlayStation à atteindre la voie du succès, et le jeu avait fait ses débuts un an plus tôt sur les bornes des salles d’arcade. Cela dit, la somptueuse version de salon allait représenter quelque chose de beaucoup, beaucoup plus important. Elle devint la cause de bien des amitiés (et inimitiés) dans de nombreux foyers, avec toute cette énergie que réclamait la jeunesse en quête d’amusement et de modes qui allaient s’instiller dans le monde entier.

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Pour célébrer l’arrivée de Tekken 7, nous avons rencontré le Directeur du jeu, Katsuhiro Harada, pour connaître sa perspective sur la place particulière que Tekken 3 occupait à cette époque ainsi que sur le talent des personnes impliquées dans le projet. Il s’agit aussi de l’histoire de ceux qui ont joué à Tekken 3.

La fin de la vieille garde de Tekken et les paroles de Katsuhiro Harada sur Tekken 3

“L'”accident”, si je puis dire, a eu lieu pendant le développement de Tekken 2,” nous explique Harada-san. “À cette époque, les compagnies de jeu japonaises avaient du mal à trouver des développeurs, et beaucoup de ceux qui avaient travaillé sur le projet Tekken avaient quitté Namco. C’était très intense. Beaucoup de gens avaient quitté l’entreprise, les bureaux étaient très calmes. C’est alors que j’ai créé un poste de travail au nom bizarre, “Directeur de jeu”, et que j’ai décidé de l’occuper moi-même. Je suis ainsi devenu le tout premier Directeur de jeu de cette industrie.”

Harada-san voyait grand. C’était quelqu’un qu’on écoutait, qui avait été récompensé dès sa première année pour les ventes atteintes par le président de Namco, M. Masaya Nakamura. “Je n’arrêtais pas de dire : “Écoutez-moi, s’il vous plaît, faites ce que je vous dis. Je réussirai à rattraper puis à dépasser tous les autres jeux de combat””, se souvient M. Harada. “Quand nous avons créé Tekken 3, nous avons décidé de refaire complètement le système de combat du jeu, de changer tous les personnages et, en fait, de commencer une nouvelle série.”

Heureusement, parmi les membres qui étaient restés dans l’équipe de Tekken chez Namco se trouvait Masanori Yamada. “M. Yamada était l’un des programmeurs de chez NAMCO, dans les années 80 et 90, un véritable génie”, se remémore avec passion Harada-san. “Il inspirait beaucoup M. Kutaragi, président de SCE à l’époque, qui avait inventé la PlayStation.”

La pression devait être très difficile à supporter pour Harada-san et son équipe. Cependant, toutes les conversations d’aujourd’hui mentionnent surtout de l’excitation. “C’était si bon de travailler dans les années 1990. C’était une période pleine de découvertes. Personne ne voulait rentrer chez soi le soir”, plaisante Harada-san. “À cette époque, les bureaux étaient très “futuristes”. M. Yamada et moi-même dormions sous notre bureau. C’était toute une époque.”

La nouvelle garde de Tekken

Harada-san’s team comprised a diverse pool of talent, not all from the games industry.

L’équipe de M. Harada était composée de talents très variés, tous ne provenant pas forcément de l’industrie du jeu vidéo. L’artiste Yoshinari Mizushima, avec ses concepts emblématiques pour Jin Kazama et Ling Xiaoyu, faisait partie des employés de Namco qui avaient été recrutés dans les universités et écoles d’arts. “En effet, il y avait peu d’employés qui possédaient des compétences en dessin numérique en 3D. Ils apprenaient en général une fois dans l’entreprise,” explique Harada-san. Étonnamment, “M. Mizushima était le plus compétent en la matière, même si je modifiais toujours ses concepts. Indirectement, cela lui a permis d’affiner son sens du travail en équipe. Il était vraiment très fort pour organiser une équipe de développement graphique.”

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On peut dire que, techniquement et visuellement, Tekken 3 c’était sans doute la crème des jeux de combat. Et pourtant, c’est probablement pour quelque chose qui, en général, n’a qu’un second rôle dans un jeu que celui-ci est devenu culte. La musique de Tekken 3 était géniale, grâce aux émotions du compositeur Nobuyoshi “sanodg” Sano. “J’étais un grand fan de sanodg,” indique Harada-san. “Et donc, je pensais que je m’entendrais bien avec lui. Mais, à cette époque, nous étions en opposition sur tout”. Comment, pardon ?

Harada-san continue d’expliquer. “Le concept de rock numérique de sanodg était trop avant-gardiste, il était difficile à comprendre pour nous. Le concept musical de sanodg était plutôt rare dans l’industrie de la musique. Il disait : “Le son numérique, c’est le futur, et Tekken entrera dans l’ère du rock numérique !” J’ai fini par lui déléguer l’intégralité de la direction musicale. Et ce fut une sacrée bonne décision.”

Tekken 3 à l’épreuve des fans

Le premier grand test pour Tekken 3, c’était les salles d’arcade, avec la première sortie en novembre 1996. Sa séquence d’introduction était vraiment spéciale, tandis que tous les autres jeux passaient alors en général un simple montage de graphismes et quelques sons spéciaux en boucle pour attirer l’attention. Avec Tekken 3, c’était différent. Au lieu de n’avoir que quelques personnages plaçant un ou deux combos avant qu’un logo n’apparaisse, l’équipe d’Harada avait décidé d’en profiter pour montrer sa nouvelle technique de capture de mouvements. Le résultat, ce fut l'”Embu”, cette longue démonstration d’entraînement de taekwondo par le combattant coréen Hwoarang, marquant le tempo d’un morceau de Big Beat de sanodg. C’était carrément génial.

“On parle d’une époque où la capture de mouvement n’en était qu’à ses débuts. Quand la “capture optique” a commencé, on a essayé tout de suite de capturer des combattants d’arts martiaux,” nous explique Harada-san. “C’est à la même époque qu’on a rencontré le combattant 黄秀一 (Hwang Su). Il était champion du monde d’Embu, cette démonstration de katas d’arts martiaux. Quand nous faisions les essais d’enregistrement de l’Embu, on trouvait ça vraiment très beau et on voulait l’inclure au système du jeu. Et, croyez-moi, ça n’a pas été facile !”

 

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La performance technique derrière tout cela n’était pas très importante aux yeux du public, carrément subjugué par la magie. Damien McFerran, Directeur de la Publication des sites Web Nintendo Life et Push Square, se souvient de l’époque où il était enfant et déjà joueur. “Tekken avait impressionné avec son gameplay, Tekken 2 s’était développé sur ce socle avec beaucoup de contenu à débloquer, mais Tekken 3, ce fut la totale. Il y avait plus de tout ! Les graphismes étaient vraiment au-dessus et quant au nombre de mouvements, c’était tout simplement gigantesque.”

Anthony “Grayfox” Anifowoshe, ingénieur et programmeur à Londres, se souvient de l’arrivée de Tekken 3 dans les salles d’arcade. Il avait 15 ans. Lui et ses amis connaissaient déjà Tekken, mais c’est bien Tekken 3 qui allait avoir le plus grand impact dans sa vie. “Quand Tekken 3 est arrivé en arcade en 1997, on allait sur Tottenham Court Road, à Londres, car c’était là qu’il fallait être. Au début, on a été déçus que certains de nos favoris de Tekken 2 ne soient plus là, mais je me souviens avoir pris Hwoarang, et là, je me suis retrouvé en plein film de Kung-Fu. Dans Tekken 2, Marshall Law était le clin d’œil à Bruce Lee, et Lei, c’était envers Jackie Chan. Avec Tekken 3, quand vous preniez Forest Law, avec le costume blanc, vous étiez Bruce Lee. Et Lei, c’était tout simplement Jackie Chan dans Police Story. C’était un rêve devenu réalité.” Et quand Tekken 3 rencontre PlayStation, tout devient palpitant.

Le passage du classique d’arcade aux consoles de salon, et l’histoire de Tekken Ball

La version console de Tekken 3, c’était encore autre chose. Les bonus exclusifs comprenaient une bande-son originale et deux nouveaux modes : Tekken Force et Tekken Ball. Ce dernier était particulièrement intéressant, puisqu’il s’agissait d’un très bon jeu complet de tournoi de beach-volley pour deux.

“Tekken Ball, c’est mon erreur,” admet Harada-san. “Tout d’abord, un programmeur et moi avions essayé de créer un “Mode utilisant le beach-volley pour apprendre les combos aériens”. Mais ça n’a pas très bien marché. Et c’est finalement devenu un jeu de combat utilisant un ballon de volley. C’est pourquoi j’accepte de dire que j’ai commis une “erreur”. Et, en dépit de mes attentes, Tekken Ball est devenu très populaire, ce qui n’a pas manqué pas de me déconcerter.” Tekken Ball, si vous vous en souvenez, proposait un petit dinosaure appelé Gon, basé sur un héros de manga. “L’auteur était un grand fan de Tekken,” nous révèle M. Harada. “On s’est rencontrés par hasard, et je savais que Gon était connu à l’étranger. Alors, j’ai décidé de mettre Gon dans le jeu !”

Quant au thème du portage d’un grand jeu d’arcade sur une plate-forme considérée plus faible, Harada se remémore le travail que cela a demandé : “Lors du transfert des données de la version arcade à la version console, j’étais mentalement épuisé. Si la version arcade valait 100 %, nous devions abaisser le tout à entre 8 et 15 %. Je devenais très nerveux, et je me disais “On ne peut pas le vendre avec cette qualité-là… Mais j’ai été agréablement surpris de voir les notes si hautes de la part du public.”

Damien McFerran ajoute “Tekken 3 avait la qualité pour assumer son nom. Ce n’était pas particulièrement une suite, mais plutôt un monument du jeu vidéo à lui tout seul, que vous manquiez à votre propre péril. Des millions de joueurs qui n’avaient pas connu les deux premiers ont mis la main sur le troisième, ce qui a placé la franchise très haut dans les cœurs d’innombrables fans depuis lors.”

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Anthony Anifowoshe se souvient que la version PlayStation de Tekken 3 “nous donnait le terrain d’entraînement parfait pour l’arcade. Pour moi, cette conversion a été la combinaison parfaite. En arcade, tout le monde faisait en général plutôt les mêmes combos basiques. Mais quand on était chez soi, on pouvait incarner de vrais personnages. Vous ne vous souvenez peut-être pas bien d’eux parce qu’ils portaient un chapeau ou autre, mais vous les reconnaissez instantanément par leur spécial (“Ah, oui, lui !”).”

Comment Tekken 3 a fait grandir la scène eSports

Anthony faisait partie de la scène “eSports” à la fin des années 90. Elle se portait plutôt bien, notamment grâce aux tournois de Tekken 3 organisés par Namco au Namco Wonder Park, en plein Londres. “Des gens venaient d’autres pays pour nous affronter,” se souvient Anthony. “J’avais carrément l’impression d’être une star. Quand vous battez des joueurs venus de l’étranger et qu’on vous dit que vous jouez de façon incroyable, c’est quand même du lourd. Surtout quand vous avez 16 ans. C’est pour moi de très grands souvenirs, toute cette époque. Les jeux vidéo en étaient à leur adolescence, et moi aussi.”

Mais, comme nous l’indiquions au début, Tekken 3, c’est bien plus qu’un simple jeu de combat. Anthony a 100 % raison quand il dit : “Les autres jeux n’avaient pas la culture contemporaine comme base conceptuelle, alors que Tekken 3, si. King portait des Fila et un survêt’. La musique était démente. Un résumé parfait de l’époque. On avait l’impression de connaître un peu de New York et de Tokyo à la fois, et on se sentait bien dans tout ça. Si tu ne peux prendre l’avion, assieds-toi devant Tekken 3 et regarde un peu la couleur, le style, et tu ressentiras qu’il y a un peu de Tokyo devant tes yeux, avec sa culture qui ressort de partout.”

Harada-san, quant à lui, conclut avec ses souvenirs personnels de ce tourbillon qui devint Tekken 3 : “Il s’agissait avant tout d’explorer l’industrie du jeu et celle du jeu de combat. C’était l’âge de la passion et de l’insouciance. Je n’avais que des espoirs et des rêves, à cette époque.”

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