Graham Smith et Augusto Quijano, de chez Drinkbox Studio, abordent des sujets comme le design, l'art ou le développement
Lors de l’été 2010, alors qu’ils finissaient de fignoler “Tales from Space: About a Blob”, Graham Smith, Chris Harvey et Ryan McLean – les fondateurs du studio de développement Drinkbox Studios, basé à Toronto – demandèrent à leur équipe de proposer des idées pour un tout nouveau jeu sous la forme d’un court document de design d’une page.
Augusto Quijano, artiste du studio, s’inspira de son enfance au Mexique pour esquisser un beat ’em up explosif en scrolling horizontal basé sur la richesse et la diversité des mythes et de la culture du pays.
À partir de ce simple document, l’équipe réussit à concevoir ce merveilleux jeu de plate-forme et d’action encensé par la critique qu’est Guacamelee! Depuis son premier lancement sur PS3 et PS Vita en 2013, le jeu s’est vendu comme des petits pains et a connu deux nouvelles sorties : Guacamelee! Gold Edition (2013) et Guacamelee! Super Turbo Championship Edition (2014), en plus de deux éditions limitées sur disque.
Nous avons rencontré le responsable de la conception, Graham Smith, et le responsable artistique, Augusto Quijano, pour savoir comment on passe d’un projet de 300 mots à un hit indé adulé par les joueurs.
Prototypage
“Le pitch initial d’Augusto pour Guacamelee! concernait davantage les personnages et l’histoire que le gameplay en lui-même,” nous explique Graham.
“L’idée avait beaucoup de charme, elle nous attirait beaucoup, mais nous recherchions quelque chose de plus avancé en termes de gameplay, quelque chose de plus qu’un simple beat ’em up. Nous avons donc décidé de combiner son projet avec certaines idées apportées par d’autres membres de l’équipe.
“L’une consistait en un jeu de plate-forme mêlant un shoot ’em up de type “Ikaruga”, dans lequel les joueurs pouvaient entrer dans de multiples dimensions, changer d’environnements et d’ennemis, un autre proposait un jeu dans le plus pur style de Metroid. Nous nous sommes inspirés de tout cela et nous avons créé Guacamelee! Nous avions déjà une vidéo d’idéation du gameplay début 2011.”
À cette époque, Augusto, responsable artistique, avait déjà une idée bien définie du look final du jeu. Il nous l’explique ainsi :
“Je suis né et j’ai grandi au Mexique, et cette culture vécue de l’intérieur a trouvé écho auprès de l’équipe. Dès les premières discussions avec le directeur artistique, l’équipe était très fan des graphismes et motifs colorés qu’on trouve dans le folklore mexicain. En combinant notre goût prononcé pour le style graphisme des années 50 et l’utilisation des couleurs pour laquelle nous étions déjà célèbres, nous avions alors une direction claire dans laquelle travailler.”
Viser haut
Malgré une vision très claire, à la fois de la mécanique du jeu et du côté artistique, l’équipe rencontrait de sérieux obstacles.
“Le plus difficile pour faire décoller le projet, c’était le financement,” se souvient Graham. Le budget visé pour Guacamelee! était bien trop élevé par rapport à ce que nous pouvions nous permettre.
Nous avions rencontré plusieurs éditeurs en 2011, au GDC et à l’E3, pour leur vendre notre idée et nous étions même en train de négocier des contrats quand nous avons appris que nous avions décroché le Canada Media Fund, une initiative du gouvernement pour prêter de l’argent à des projets prometteurs.
L’équipe a alors pu définir des objectifs financiers et travailler sur le projet final. Et c’est seulement alors qu’elle a réalisé quelle était la taille véritable du projet.
Courbes d’apprentissage
“Guacamelee! comportait plus de personnages que l’ensemble de nos deux premiers jeux,” se souvient Augusto.
Je n’avais jamais conçu ni animé d’ennemis capables de frapper, plonger ou de d’être lancés… Au début du projet, je me suis parfois demandé si je savais vraiment dans quoi j’étais en train de me lancer, tant il y avait à faire avec un simple squelette pour ennemi !
J’ai dû faire beaucoup de recherches. Par exemple, notre personnage principal commence le jeu en tant que “jimador” (un cultivateur d’agaves), et j’ai dû en apprendre beaucoup sur le sujet. Maintenant, j’en sais davantage sur la fabrication de la tequila que le commun des mortels !”
Au fil du temps, l’équipe a gagné en confiance, même si le parcours était encore semé d’embûches.
“L’ennemi que j’ai le moins aimé dessiner était le Squelette-éclair,” continue Augusto. “Il possède un bras géant, vole grâce à ses ailes électriques et peut lancer un éclair que le joueur devra éviter. Ça faisait beaucoup de paramètres à prendre en compte, et le dessin en lui-même a été très difficile à créer !”
Une autre dimension
“Et puis il y a le “monde des morts”, qui ne faisait même pas partie de l’idée d’origine,” poursuit Augusto. “Il a été conçu plus tard, mais on peut vraiment dire qu’il s’intègre parfaitement aux thèmes du jeu.
Cela dit, la présence de ce nouveau monde signifiait l’utilisation de deux palettes de couleurs complètement différentes pour chaque niveau. Eh oui, nous voulions vraiment que les deux mondes soient très différents l’un de l’autre. En même temps, les niveaux avaient souvent besoin de posséder une structure similaire entre les versions des “vivants” et celles des “morts”.
Nous avons donc commencé par créer le “monde des vivants” et, ensuite, nous nous sommes mis à recoloriser le niveau pour donner une première couche au “monde des morts”. Après, pour la version finale “des morts”, nous avons simplement remplacé ou ajouté des décors et accessoires.”
Esquives et plongeons
Personnages, environnements et mécanique de jeu, tout cela constituait déjà un joli petit travail pour l’équipe, un projet sacrément ambitieux. Et, bien sûr, on ne parle que du côté artistique. Pour ce qui est du design, le studio connaissait aussi de petits couacs.
Graham développe : “Nous voulions que les niveaux de Guacamelee! comportent 50 % de combat et 50 % de plate-forme. Parvenir à cet équilibre a demandé du temps et des efforts. Et malgré tout, il reste certains éléments, comme la transformation en poulet, qui ne me convainquent pas complètement.
Les esquives sont la mécanique de jeu qui a nécessité le plus de travail. Pour certains joueurs, ce n’était pas du tout intuitif et ils tentaient juste de passer en force. Par exemple, au lieu d’esquiver les attaques ennemies, certains joueurs sautaient ou partaient en courant pour les éviter.”
Le catch n’est pas chose facile
Il est vrai que le jeu est particulièrement reconnu pour offrir une progression satisfaisante dans le défi, bien que cela ait été plus compliqué que ça n’en a l’air, comme nous le révèle Graham.
“Presque toujours, les concepteurs de jeu veulent créer du contenu qui leur semble amusant. Mais, comme ils connaissent leur jeu dans les moindres détails, les premières esquisses d’un niveau sont généralement très difficiles. Peut-être sont-ils agréables pour nous, mais ils restent bien trop difficiles pour le joueur lambda.
Pour réduire cette difficulté, nous menons des playtests à tous les stades du développement. Dans nos bureaux, il y a une “Zone TV”. Nous y invitons régulièrement des play-testeurs et leur demandons de jouer normalement à notre jeu. Cependant, nous diffusons “en secret” leur partie à tous les membres de l’équipe pour pouvoir discuter de nos observations.
Nous avons aussi des fichiers dans lesquels l’emplacement de chaque mort a été consigné, de façon à créer une carte des “points chauds” d’un niveau. Nous pouvons ainsi rapidement identifier les zones posant problème sans avoir à revisionner l’intégralité d’un playthrough pour réduire la difficulté où les joueurs meurent trop souvent et l’accroître là où ils ne meurent pas assez souvent.”
En y repensant
C’était beaucoup de travail mais, pour Graham comme pour Augusto, ça en valait la peine.
“Dans Guacamelee!,” résume Graham, “je suis particulièrement fier de cette fluidité avec laquelle on passe du combat à la plate-forme et vice-versa, tout en gardant des éléments motivants et amusants. Pour moi, c’est vraiment ça qui se démarque.”
“Dans mon cas,” nous dit Augusto, “ce sont tous les petits détails qui rendent ce côté mexicain authentique dans le jeu. Ces mêmes détails sont sans doute invisibles pour le commun des joueurs, mais ils tranchent vraiment quand on a toujours vécu avec.”
Guacamelee 2 sortira en 2018 – si vous avez raté Guacamelee!, vous pouvez l’essayer sur PS4. Trouvez le ici sur le PlayStation Store
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