Résurrection, exploration dynamique et bras multifonction : Hidetaka Miyazaki nous parle de Sekiro: Shadows Die Twice

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Résurrection, exploration dynamique et bras multifonction : Hidetaka Miyazaki nous parle de Sekiro: Shadows Die Twice

Le directeur de Bloodborne et de Dark Souls lève le voile sur (une partie) des mystères qui entourent le dernier projet de FromSoftware.

Voici quelques semaines, j’ai eu une chance à ne surtout pas laisser passer : une interview en tête-à-tête avec Hidetaka Miyazaki. Lors du dernier jour de l’E3, l’illustre directeur de Dark Souls et de Bloodborne a dégagé une heure pour répondre à mes questions sur Sekiro: Shadows Die Twice, son mystérieux nouveau projet PS4 en cours de développement.

Nous avons parlé de l’univers du jeu, du thème de la mort, récurrent dans les œuvres de Miyazaki-san, et de son approche du débat “savoir” contre “histoire.”

Sekiro: Shadows Die Twice

PlayStation.Blog : Sekiro se déroule dans le Japon de l’époque Sengoku, à la fin du XVIe siècle. Qu’est-ce qui vous a amené à faire ce choix ?

Hidetaka Miyazaki : Si vous voulez faire quelque chose avec des ninjas, vous avez le choix entre deux époques clés, Edo et Sengoku. En termes de contexte, l’époque Sengoku est un peu antérieure à l’époque Edo.

Nous avons opté pour l’époque Sengoku [parce qu’elle] est plus sale, plus sombre et plus sanglante. Elle ressemblait davantage au type de monde que je voulais créer.

Effectivement, ça colle bien à un jeu FromSoftware !

L’autre raison pour laquelle nous l’avons choisie est [qu’elle semble] plus “féodale”, alors que l’époque Edo paraît plus moderne. Pour moi, en termes de crédibilité, l’époque Sengoku se prêtait davantage à quelque chose de mystique, lié à la présence des dieux.

Par ailleurs, le jeu se situe à la fin de l’époque Sengoku. À mon avis, la notion de finalité, de voir quelque chose toucher à sa fin… cela introduit une nuance importante, une forme de beauté. Cela allait dans le sens de notre art, de ce que nous voulions exprimer.

La mort est un thème très présent dans vos jeux. Quel impact la mort a-t-elle sur l’histoire et la manière de jouer à Sekiro ?

Le meilleur moyen d’aborder cette question est de commencer par dire que dans ce jeu, la résurrection existe.

Quand je pense à un ninja qui se bat, par rapport à, disons, un chevalier, les ninjas ne peuvent pas encaisser beaucoup de dégâts. Ils courent de gros risques, parce que lorsqu’ils se battent, ils sont très vulnérables. L’idée est qu’ils sont en danger, dans une situation où une erreur, même infime, signe leur arrêt de mort. Avec un chevalier qui porte une armure et tout ce qui s’ensuit, il y a plus de coups échangés. De cette image du combat découle l’idée de résurrection.

Représentez-vous le combat comme une activité risquée où la moindre erreur vous coûte la vie… Si vous êtes obligé de recommencer en arrière à chaque fois que vous mourez pour revenir là où vous étiez, le jeu manque de rythme. Donc, la notion de résurrection participe à la fluidité du jeu. Oui, vous vous battez, mais vous n’avez pas forcément besoin de revenir en arrière à chaque mort, et cela contribue à l’équilibrage tout en permettant un style de jeu plus tendu, plus sur le “fil du rasoir”.

Et la résurrection est également liée à l’histoire du jeu. Elle a un lien avec le mystère qui entoure le personnage principal et le jeune seigneur. La résurrection aura un rapport avec eux.

L’un des concepts principaux du jeu est que vous pouvez tuer de manière ingénieuse. Un ninja déborde tellement de ressources qu’il peut s’arranger pour que sa propre mort lui confère un avantage. Nous avions ce genre d’idées.

Donc, pour répondre à votre question, la mort influence Sekiro de trois manières : en permettant des situations risquées et un jeu fluide ; par son utilisation créative ; et enfin en centrant l’histoire sur le concept de résurrection.

Soyons clairs : le système de résurrection n’a pas été introduit pour rendre le jeu plus facile. En fait, il le rend plus difficile, parce qu’il nous permet de pousser les mécanismes du combat jusqu’à un point où le personnage peut mourir n’importe quand.

Donc, le jeu a été équilibré autour de l’idée que le personnage peut mourir et ressusciter ?

Oui, exactement.

Sekiro: Shadows Die Twice

Pouvez-vous nous dire ce que la résurrection implique dans Sekiro ? Comment fonctionne-t-elle, techniquement ?

Le système proprement dit n’est pas encore entièrement finalisé. Je ne vais rien dire qui puisse encore changer. Ce que je peux dire, c’est qu’il est là pour maintenir le rythme, et que la difficulté du jeu se construira autour de lui. Ce n’est pas parce qu’il y a un mécanisme de résurrection que le joueur ne doit pas avoir peur de la mort.

Parlons du bras manquant du personnage, et de la manière dont il affecte le jeu.

En termes de conception, deux choses nous plaisaient dans l’idée de nous servir d’un ninja. Nous avons toujours conçu les scènes avec la verticalité à l’esprit. C’est l’une de nos forces. L’idée d’explorer cela de manière dynamique, sans avoir besoin d’échelles ou d’autres artifices, juste “boum, j’y suis”, était très séduisante.

Par ailleurs, lorsque vous bâtissez votre jeu autour d’un ninja, ce n’est pas comme avec un samouraï. Avec un samouraï, vous foncez avec votre épée. Avec un ninja, vous rôdez, vous ne vous battez pas à la loyale. Vous pouvez aveugler l’ennemi, accomplir des actions qui ne sont pas honorables. D’un point de vue ludique, c’était très intéressant parce que ça nous ouvrait de nombreuses possibilités.

Donc, les deux aspects de cette prothèse shinobi était d’explorer la verticalité, et d’avoir une variété de mouvements à explorer en combat.

Nous voulions symboliser l’idée que vous avez de nombreuses choses à votre disposition. C’est pour cela que nous avons pensé au bras, c’était un moyen de tout mettre en un seul endroit. Ce bras vous permet de faire une multitude de choses, vous pouvez voir les câbles, les outils, il vous donne l’idée que vous portez un équipement multifonction.

Sekiro: Shadows Die Twice

Sekiro semble beaucoup plus rapide que, disons, Dark Souls ou Bloodborne. Est-ce qu’il est plus proche d’un jeu d’action, ou est-ce que les fans de la série pourront quand même s’y sentir à l’aise ?

Deux choses importantes sur le combat dans Sekiro. L’un des aspects centraux des batailles de ce jeu est la violence du choc des épées. L’autre est que vous pouvez vous déplacer de manière dynamique, y compris verticalement.

Ce dynamisme touche d’autres aspects du combat. Vous avez plusieurs manières d’aborder la bataille, par exemple la discrétion, ou les outils de votre bras. Ou une attaque par en haut. Et puis, certains de vos outils de ninja exploitent les faiblesses de l’adversaire. Cela dit, si vous préférez, vous pouvez aussi foncer avec votre épée.

Vous avez une multitude de possibilités qui vous aideront en combat. Le jeu est conçu de telle façon que même si vous n’êtes pas absolument excellent, vous pouvez trouver un moyen de contourner la difficulté, à condition de réfléchir un peu.

Pour changer de sujet, quelle est votre philosophie dans le débat “savoir” contre “histoire” ? Le premier étant la construction d’un monde dans le jeu et le second l’action de raconter une histoire.

Sekiro diffère de nos précédents jeux par certains aspects, et en est proche par d’autres.

Dans Sekiro, l’histoire est centrée sur le personnage principal. Il est un protagoniste de l’histoire. Il existe dans ce monde. Avant, nous avions des personnages anonymes, moins impliqués. Notre personnage principal étant un élément de l’histoire, le début du jeu est sans doute plus facile à appréhender que dans nos jeux précédents.

À part ça, il y a peu de différences. Ce n’est pas un jeu où vous explorez une zone, tuez un boss et regardez une cinématique, avant de suivre les instructions et de passer à la suite. L’histoire s’insinue au fur et à mesure que vous jouez. Vous trouvez des choses qui vous donnent davantage d’informations sur le monde, ce que vous appelez le savoir, en même temps que des informations narratives liées à l’histoire. Sur ce point, Sekiro est similaire à nos jeux précédents.

Sekiro: Shadows Die Twice

Pour quelles raisons racontez-vous vos histoires de cette façon ? Pensez-vous que ce soit un style de narration plus efficace que d’autres ?

J’apprécie les histoires qui vous obligent à vous servir un peu de votre imagination si vous voulez les comprendre.

Quand j’étais jeune, j’aimais les livres trop difficiles pour moi. Je ne comprenais, disons, que la moitié des kanji, et je comblais les blancs avec mon imagination. Je voulais voir si je pouvais transmettre ce genre d’expérience dans un jeu vidéo, où vous comblez les blancs en imaginant des choses.

FromSoftware a annoncé deux jeux à l’E3, Sekiro: Shadows Die Twice et Déraciné pour PS VR. Travailler sur les deux à la fois a-t-il été un défi ?

En fait, j’ai l’habitude de diriger plusieurs titres en parallèle. Armored Core 4 et Demon’s Souls ont été développés en même temps, tout comme Bloodborne et Dark Souls 3. Pour moi, c’est une situation ordinaire. Ce qui est moins banal, c’est d’annoncer deux jeux en même temps.

Et en fait, je préfère travailler en parallèle sur plusieurs projets. Si vous êtes créatif et que vous vous concentrez sur une seule chose à fois, vous risquez de vous retrouver dans l’impasse. L’inspiration vient plus facilement lorsque vous travaillez sur plusieurs choses que lorsque vous vous focalisez sur une seule. J’aime ça.

Un dernier mot ?

Sekiro: Shadows Die Twice est un jeu différent. Nos titres précédents étaient des RPG d’action, celui-ci est un jeu d’action-aventure.

Il est plein de nouveautés passionnantes, et j’ai hâte de voir les fans s’en emparer. En particulier le nouveau format d’histoire, ou au moins le fait que le personnage principal compte dans l’histoire. Les nouvelles manières d’explorer le monde, et la nouvelle façon dont vous gagnez en puissance.

Je pense que nous avons réussi à bâtir sur une multitude d’aspects qui étaient présents dans nos titres précédents. L’exploration dynamique, la violence des combats à l’épée et les nombreuses stratégies possibles. Nous avons accompli des avancées majeures pour ces mécanismes, et je suis impatient de voir les fans s’en servir.

Et nous donc !


Cette interview a été menée avec l’aide d’un interprète. Les réponses ont été révisées dans une optique de clarté et de concision.

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