L’art de la création de niveau dans Beat Saber

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L’art de la création de niveau dans Beat Saber

Le créateur de niveaux du jeu d’action-rythme sur PS VR révèle la magie qui se cache derrière le gameplay immersif du jeu

Il y a quelques jours, l’un des plus gros événements musicaux depuis la sortie du jeu est arrivé dans Beat Saber. Nous avons sorti le pack de musiques Imagine Dragons : une sélection de dix titres, choisis parmi les plus grands succès du groupe, le tout dans un environnement de type industriel complètement inédit. Il nous a fallu des mois pour faire de ce pack de musiques une réalité.

Les gens ne se rendent pas toujours compte des efforts nécessaires pour aboutir à un tel résultat. Choisir les bonnes chansons, obtenir une qualité optimale, créer un bon enchaînement de niveaux dans un environnement immersif… À nos yeux, tout cela est crucial et demande énormément de travail. Afin de mieux comprendre la philosophie derrière les niveaux de Beat Saber, j’ai interviewé Freeek, le créateur des niveaux du pack de musiques Imagine Dragons.

Beat Saber on PS4

Michaela : À votre avis, Freeek, qu’est-ce qui rend l’expérience musicale en VR si spéciale ?

Freeek : De manière générale, la VR nous permet de ressentir le monde de différentes façons. La musique ne fait pas exception. Avec Beat Saber, la musique peut être vécue d’une manière totalement différente. Ce serait difficile de l’expliquer à quelqu’un qui n’a pas tenté l’expérience.

Imaginez : vous avez écouté une chanson des milliers de fois, et pour la première fois, vous la redécouvrez avec des écouteurs haut de gamme. De la même façon, Beat Saber vous offre une nouvelle façon totalement inédite de vivre la musique. Pour faire simple, l’expérience musicale devient à la fois physique et visuelle. Un jeu de danse est physique, et un spectacle de lumière est visuel, mais les deux n’avaient jamais réellement été combinés auparavant, et encore moins rendus accessibles depuis chez soi.

Tous les éléments liés au décor et à la lumière jouent un rôle clé dans ces sensations, mais ce qui compte dans cette nouvelle expérience, c’est surtout la façon dont elle vous fait bouger. Chaque cube, direction, bombe ou mur est créé manuellement de manière à vous faire ressentir la musique d’une façon entièrement nouvelle. C’est tout cela mis ensemble que nous appelons un « Niveau ».

Michaela : Pouvez-vous nous en dire plus sur ceux qui se chargent de la création de niveaux ? Comment ça se passait, au début ?

Freeek : Les 10 premiers niveaux ont tous été créés à la main par Jan « Split » Ilavsky, et le contenu futur sera le fruit d’un effort collectif. L’équipe a été recrutée après la sortie du jeu. Plusieurs membres en ont fait partie, mais à présent, c’est juste Split, GreatYazer et moi-même, dans le rôle de créateur en chef.

Beat Saber on PS4

Michaela : Par rapport au début de l’aventure Beat Saber, qu’est-ce qui a changé dans la façon dont vous, les créateurs de niveaux, travaillez ensemble ?

Freeek : Notre compositeur, Jaroslav, nous fournit des morceaux à travailler. Nous commençons par écouter la chanson, en boucle ou presque pendant environ deux jours. Le but est d’apprendre chaque aspect des chansons et de s’en imprégner. Je me rappelle avoir écouté Crab Rave pendant une semaine entière avant même d’avoir commencé à travailler dessus.

Je fais cela afin de déterminer s’il y a quoi que ce soit d’unique dans la chanson, qui puisse être utilisé pour le divertissement. Pour POP/STARS, par exemple, j’ai surtout regardé les vidéos des répétitions de la chorégraphie plutôt que les clips musicaux. J’ai repéré les parties de la chorégraphie qui pourraient être vraiment fun pour le joueur, et je suis parti de là.

Une fois que le niveau est terminé dans toutes les difficultés, nous faisons BEAUCOUP de tests. Nous jouons les chansons en boucle, dans tous les niveaux de difficulté. Pour m’assurer que tout est parfait, je teste les chansons à différentes vitesses. Pour le mode Facile, j’essaye d’imiter la façon de jouer d’un enfant : je joue à genoux, les bras vers le haut. Quand la difficulté augmente, en mode Expert+, par exemple, toutes les parties de la chanson sont testées pour vérifier qu’il est vraiment possible de faire un Full Combo.

Pour finir, Jan teste lui-même les niveaux afin d’y ajouter des dernières modifications si nécessaire.

Michaela : Comment choisissez-vous les actions à effectuer dans les différents niveaux ?

Freeek : Les idées nous viennent généralement durant cette période où nous écoutons les morceaux en boucle. Nos inspirations sont multiples. Il y en a auxquelles vous n’avez sans doute même pas pensé.

Il y a les paroles, évidemment, mais nous prenons également d’autres éléments en considération : la chanson est-elle en majeur ou mineur ? Quel instrument est utilisé à quel moment ? La chanson est-elle liée à une signification ou à une tradition extérieure ?

C’est tout cet ensemble de données sur les chansons que j’essaye de faire passer dans les enchaînements à réaliser. Ce n’est pas juste une affaire de difficulté. Dans les différents niveaux du jeu, il y a bien plus de profondeur que ne le réalisent la plupart des gens. Si je devais vous donner quelques exemples…

Le drop de la chanson « Overkill » évoque une sensation de grandeur. Une montée en puissance au synthé, avec un coup de grosse caisse en plein milieu. Pendant ce passage, le joueur doit effectuer des mouvements vers le haut de plus en plus amples, avec un grand geste vers le bas au milieu.

Pendant la majeure partie de « Crab Rave », les mouvements se font de gauche à droite, reprenant les pas de danse des crabes dans le clip de la chanson.

Beat Saber on PS4

Pour « Whatever It Takes », nous avons associé plusieurs mouvements aux paroles du couplet : Lorsqu’on entend « Run me like a racehorse », on a l’impression de tenir les rênes d’un cheval. La chanson continue avec « Break me down and build me up », et le joueur doit couper des blocs vers le bas, puis vers le haut.

Dans « Unlimited Power », on peut entendre « From red to blue, from blue to red, and ducking the red from overhead » (« du rouge au bleu, du bleu au rouge, j’esquive le rouge qui me fonce dessus »). Cela correspond exactement aux gestes que doit faire le joueur.

Et ce ne sont que quelques exemples de l’attention que nous portons aux niveaux lors de leur création. Nous prenons même en compte les différents instruments lorsque nous créons un niveau : pour un piano, nous choisirons une séquence plutôt simple, et la position des blocs rappellera des notes de piano. Sur de la batterie, les angles de mouvements seront principalement dirigés vers le haut ou le bas. Les notes jouées à la basse apparaîtront vers le bas de l’écran, tandis que les voix seront représentées plus en hauteur. Bien souvent, les instruments sont mélangés, tout comme les séquences de mouvements.

Michaela : Le rôle des lumières est également très important dans chaque niveau. Mettre en œuvre un tel spectacle lumineux ne doit pas être simple : comment abordez-vous cet aspect lors de la conception d’un niveau ?

Freeek : Effectivement, nous passons beaucoup de temps à travailler les lumières. La plupart du temps, il y a même plus d’éléments lumineux que de blocs. Même en difficulté Expert+ ! Pour la chanson « Digital » en Expert+, par exemple, il faut frapper 951 blocs, mais il y a plus de 3 000 flashs de lumière !

Les raisonnements intervenant dans la création des lumières sont en grande partie les mêmes que pour les blocs. Pour « Thunder », nous avons bien sûr majoritairement utilisé du bleu, mais nous avons même essayé d’arranger les rayons lumineux pour simuler un orage.

Pendant « Radioactive », le bleu et le rouge ne se mélangent jamais, jusqu’à ce que l’on arrive aux paroles « Radioactive ». Nous avons intégralement changé les couleurs du décor pour « Crab Rave » afin de reproduire le côté tropical du clip, et coloré le logo de Monstercat en orange, comme les crabes…

Une bonne partie des lumières sont également synchronisées manuellement avec les paroles. La prochaine fois que vous jouerez sur POP/STARS, activez le mode « no-fail » et prenez le temps de repérer les grands « X » lumineux.

Pour préparer une chanson, que nous n’avons pas encore sortie, j’ai étudié l’aspect des lumières sur un manège (surtout à l’allumage et à la mise hors tension) pour le reproduire dans un niveau. Dans les modes les plus faciles, des flashs trop rapides ou trop violents surpasseraient l’intensité des chansons. C’est pour cela que certains jeux de lumière sont spécifiques à la difficulté Expert+. Nous faisons en sorte d’ajuster les flashs les plus intenses à la fréquence/Hz des différents casques de réalité virtuelle, afin qu’ils restent visibles ! Beat Saber on PS4

Michaela : En plus de la sélection musicale actuelle du jeu, quels artistes, quels groupes souhaiteriez-vous intégrer à Beat Saber ?

Freeek : S’il y a bien une chose que j’ai apprise sur Beat Saber, c’est que le jeu peut fonctionner avec tous les genres. Si le travail est bien fait, des chansons que je n’aime pas écouter peuvent parfaitement fonctionner dans le jeu. Si je devais choisir des artistes… Gorillaz, Linkin Park, Daft Punk, Red Hot Chili Peppers, Arctic Monkeys, Deadmau5, Flume, Black Keys, Skrillex, Will Sparks, Caravan Palace, Metallica, AC/DC, Guns n’ Roses, Kygo, Avicii, Nero, Pantera, Pendulum… Même des artistes comme Outkast, Eminem, Hilltop Hoods ou Kanye West pourraient passer. Oh, bien sûr, il ne faut pas oublier Jaroslav Beck ! Ça fait une bonne liste, mais je pense sincèrement que tous feraient parfaitement l’affaire. Même un créateur de niveau a le droit de rêver, non ?

Michaela : Ça donne envie ! Il n’y a plus qu’à attendre la suite ! Notre objectif, pour cette année 2019, est d’intégrer le plus de genres musicaux possible dans Beat Saber, afin que tout le monde y trouve son compte ! Nous sommes impatients !

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