Le compositeur de Journey et de la trilogie The Banner Saga nous explique l'approche créative inhabituelle qu'il a eu pour l'enquête se déroulant à Stonehenge
Bien souvent, personne ne soupçonne que les compositeurs qui travaillent sur des jeux vidéos sont eux-même des joueurs (et je n’ai aucune idée pourquoi), mais dans mon cas, le fait est que ma vie a été entièrement marquée par d’innombrables titres plus mémorables les uns que les autres. Dans le cadre professionnel, j’ai eu des opportunités extraordinaires, l’occasion d’écrire les musiques de quelques jeux portés par leur narration, tels que Journey, ABZU, et la trilogie The Banner Saga, et c’est pourquoi j’étais incroyablement content quand j’ai entendu parlé de The Bradwell Conspiracy — un jeu d’aventure narratif à la première personne auquel vous pourrez jouer sur votre PlayStation 4 à partir du 8 octobre.
Le jeu raconte l’histoire d’un anonyme qui participe à un gala au Musée de Stonehenge en Angleterre, lorsqu’un évènement étrange ruine la réception — littéralement. Lorsque vous vous réveillez au milieu des décombres (ayant perdu votre voix), votre paire de lunettes de Réalité Augmentée équipée d’une IA vous connecte à Amber, une jeune scientifique du musée, qui essaie elle aussi de s’échapper.
La seule façon dont vous pouvez communiquer avec elle est en lui envoyant des captures d’écran de ce que vous voyez, et sur lesquelles elle pourra alors commenter. En travaillant de concert avec Amber, vous pourrez naviguer les labyrinthes sans fin que sont les couloirs et les tunnels dans lesquels vous êtes coincé, et vous apprendrez bien assez tôt que cet humble musée cache bien plus de secrets dans ses entrailles que vous ne l’auriez jamais soupçonné…
Je ne veux pas gâcher la surprise plus avant, mais il va sans dire qu’à l’instant où notre Directeur Créatif Georg Backer m’a expliqué l’idée qu’il avait pour le jeu, j’étais déjà accroc. J’ai toujours adoré les jeux qui montrent plutôt que de dire, et qui vous demandent de vous immerger complètement dans leur univers afin de pouvoir véritablement comprendre leur histoire. The Bradwell Conspiracy est exactement comme ça.
Et cet aspect mis à part, les dialogues d’Amber sont incroyablement charmants. Nous avons réalisé très tôt qu’il fallait que la voix dans notre tête ait une personnalité bien à elle, forte et marquée, et nous avons pu concevoir un script (avec l’aide de la seule et unique Jane Espenson, connue entre autres pour son travail sur Buffy et Battlestar Galactica !) qui joue avec cette nuance entre l’étrange et l’hilarant. Imaginez un Firewatch à sens unique dans lequel l’autre personnage essaie désespérément de comprendre pourquoi vous insistez pour lui envoyer photo après photo de tout ce que vous voyez.
Et ce n’est pas tout : la vraie raison pour laquelle cet humble compositeur se présente devant vous avec cet article de blog est la façon plutôt téméraire dont nous autres chez A Brave Plan avons décidé d’aborder la musique.
Traditionnellement, les jeux à la première personne se reposent énormément sur un habillage sonore chargé de créer une atmosphère particulière, avec une musique minimaliste qui n’existe que pour apporter un peu de couleur aux environnements que le personnage explore librement, tout en gardant les moments musicaux les plus intenses et les plus puissants en réserve, pour des évènements spéciaux dont le déroulé est prévu à l’avance.
Non seulement l’équipe m’a encouragé à laisser la musique s’exprimer de façon plus agressive que ça, mais aussi de façon plus bizarre. D’une façon qui s’attaque autant que possible au genre et qui, parfois, lance également un regard noir en direction du quatrième mur. À certains moments, la musique souligne l’expérience de jeu de façon “extradiégétique” (c’est-à-dire qu’elle fonctionne comme une bande son traditionnelle, en cela que le joueur peut l’entendre, mais pas les personnages), mais il y a aussi des moments où cette distinction diégétique est floutée. Des évènements au sein du jeu manipulent parfois la musique de façon semi-littérale. Mais je ne veux pas vous gâcher le plaisir de la découverte, alors je ne peux pas me permettre d’être moins vague.
En gros, c’est chelou.
Et quelle autre opportunité aurais-je bien pu avoir d’écrire une musique avec de lourdes lignes de basses, des grandes orgues, des murs de son blanc et des guitares électriques d’ambiance ? Aucune ! C’était ma seule et unique, et je l’ai prise !
J’avais un complice dans cette aventure, Ali Tocher, qui a fait un travail sonore remarquable sur le jeu et qui a été mon camarade au moment de déterminer les meilleures façons d’intégrer organiquement la musique dans l’expérience de jeu. Étant donné l’insistance de A Brave Plan pour qu’on soit aussi sur-réalistes que possible, une implémentation basique aurait représenté un gâchis de nos efforts. Nous avons échangé des sons l’un avec avec l’autre jusqu’à ce que la démarcation entre ambiance sonore et musique soit, au mieux, complètement floue.
Ce jeu représente un long trajet pour nous, comme bien des jeux, mais je suis fier de cette équipe et je me sens honoré d’avoir pu en faire partie. Vous auriez bien du mal à trouver où que ce soit une autre équipe qui serait aussi déterminée à voir un projet aboutir de si belle façon que celle-ci.
Les jeux comme celui-ci vous permettent d’exprimer des aspects de vous-même qu’aucun autre jeu ne vous laissera exprimer. Moi-même, il m’a guidé dans des endroits où je n’étais jamais allé, et où je ne retournerai probablement plus jamais. J’espère sincèrement que vous aurez l’occasion d’y jouer et de découvrir ce qui se cache derrière… The Bradwell Conspiracy.
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