Avant la sortie d'Elden Ring, Santa Monica Studio, Insomniac Games, Naughty Dog et d'autres se penchent sur leurs rencontres les plus mémorables.
Le studio FromSoftware a conquis les joueurs du monde entier avec ses boss légendaires. Depuis plus de dix ans, ses combats palpitants, ses créatures au design perturbant et ses décors angoissants ont donné lieu à des rencontres inoubliables. Alors que nous nous préparons à découvrir ce que nous réserve Elden Ring le mois prochain, nous avons demandé aux développeurs des studios PlayStation de nous parler de leurs boss préférés parmi Sekiro: Shadows Die Twice, Bloodborne, Dark Souls et Demon’s Souls.
Mais pour nous échauffer, nous avons posé la même question au créateur de la série des Souls lui-même : Hidetaka Miyazaki.
Le Moine sénile | Demon’s Souls
“Si l’on parle du boss dont je suis “le plus fier” (pour utiliser ces mots), ce serait sûrement le Moine sénile de Demon’s Souls. En fait, le design et ce que nous voulions en faire ont rencontré une vive opposition. Mais c’était quelque chose que je voulais vraiment, vraiment faire. Je souhaitais incorporer le concept de ce boss au jeu, à la fois du point de vue du design et du point de vue du gameplay, sans oublier l’aspect multijoueur. De nombreuses d’objections ont été faites au projet, tant au niveau de la mise en œuvre que de l’intérêt pour le joueur. À l’époque, personne n’y croyait. Mais nous y sommes quand même parvenus et je pense que nous avons créé un boss intéressant que les fans apprécient.”
“Tout le long du développement de Demon’s Souls, nous avons été confrontés à de nombreuses mécaniques particulièrement complexes à mettre en place. Les fonctionnalités asynchrones en ligne par exemple. Je pense que le Moine sénile englobe toutes ces épreuves ainsi que nos efforts pour les surmonter et créer quelque chose dont nous sommes fiers.”
– Hidetaka Miyazaki, président et directeur, FromSoftware
“Nous sommes en 2009. J’ai déjà quelques heures de jeu derrière moi quand je rencontre le Moine sénile au niveau 3-3. Il était complètement différent de tous les boss que j’avais affrontés jusque-là : il était petit et il faisait des roulades dans tous les sens, imitant presque mon style de jeu. Il parait, me frappait dans le dos et me tuait presque instantanément. Je me disais : “Balèze l’intelligence artificielle.”
“Ce n’est qu’à notre deuxième affrontement que j’ai commencé à comprendre à quel point cette rencontre était unique. Cette fois, il avait complètement changé d’apparence et il lançait des sorts. Après un deuxième échec, j’ai cherché des astuces en ligne. Je ne comprenais pas. Comment étais-je censé apprendre les patterns d’un boss si son style de combat changeait à chaque affrontement ?”
“J’ai découvert alors que je ne combattais pas un ordinateur… mais d’autres joueurs ; c’était un combat de boss en PVP ! Le choc !”
– Thomas Hart, Community Manager associé, Insomniac Games
Sif le Grand Loup gris | Dark Souls
“Lorsque la cinématique s’est lancée, Sif a jailli de derrière la tombe et s’est saisi de l’épée géante, se préparant à livrer un combat sans répit. Un peu avant que je l’emporte, Sif a commencé à boiter légèrement. Ses attaques se faisaient plus lentes et j’ai commencé à avoir de la peine pour lui. C’était comme si Sif était prêt à se battre jusqu’à son dernier souffle. Après l’avoir vaincu, j’ai reçu l’Âme de Sif. Je me suis senti encore plus mal en lisant la description : autrefois compagnon loyal, le loup protégeait la tombe de son maître. Après ça, j’ai commencé à en apprendre davantage sur le lore du jeu, ce qui a changé ma façon de voir les boss. J’éprouvais de la sympathie pour la plupart d’entre eux. Tous les boss de la série vous apportent un immense sentiment d’accomplissement, mais leur défaite vous fait davantage réfléchir à leur histoire, le plus souvent tragique.”
– Tom Clercx, animateur, Nixxes Software
Ornstein le Tueur de Dragons et Smough le Bourreau | Dark Souls
“Quand on comprend que l’on va devoir combattre les deux en même temps, on flanche un peu face à ce combat impossible !”
“Ornstein est rapide et implacable, il attaque sans relâche. Le combat est rythmé par le fracas des pas lourds de Smough qui menace de vous écraser tel un insecte avec son marteau aussi imposant que sa carrure. Je croyais la victoire à portée de main après être parvenu à en vaincre un ; puis j’ai vu l’ennemi restant changer de forme pour devenir encore plus puissant ! Découvrir la forme finale de l’un puis de l’autre en fonction duquel était éliminé en premier ajoutait un intérêt supplémentaire à ce combat déjà mémorable.”
– Dzan Wong, QA Tester senior, Firesprite
“On dit d’une chose particulièrement ardue et qui ne fait pas de cadeau qu’elle est « le Dark Souls de sa catégorie ». Orstein et Smough sont le Dark Souls des combats de boss de Dark Souls : redoutablement agressifs, ils portent des attaques qui s’entrecoupent et forcent le joueur à appliquer tout ce qu’il a appris jusque-là dans le jeu ; et c’est en quelque sorte tout l’intérêt du combat. Ils sont là pour rappeler au joueur de ne pas trop se mettre à l’aise ni de penser qu’il est le meilleur : il va devoir s’adapter et s’habituer à se prendre des coups s’il veut progresser et apprécier ce titre si exigeant.”
– Duncan Tyrer, analyste QA intégré, Firesprite
Le Chevalier Artorias | Dark Souls
“Son attaque sautée donne le ton : “Rebrousse chemin ou meurs !”. Le tout premier coup porté par Artorias suffirait à faire espérer au plus grand des ‘Élus’ avoir suffisamment d’endurance pour rouler jusqu’au Sanctuaire du Lige-feu. Loin des récits contant l’histoire du plus noble et héroïque des chevaliers du Roi, vous devez composer avec les assauts grossiers et bestiaux de son éventail de coups aussi brutaux qu’imprévisibles.”
“Le combat fait pleuvoir des coups d’une violence sans pareil, esquissant l’histoire d’une époque révolue, engloutie par les abysses : l’amphithéâtre délabré et envahi par la végétation, l’armure sale, lacérée et éventrée du chevalier dont le bras brisé pend mollement contre son flanc tandis qu’il vous inflige une correction brutale de sa main non dominante. Que ce soit à cause de son histoire tragique ou de l’impitoyable difficulté de notre affrontement, Artorias m’a fait noyer mes sanglots dans mes fioles d’Estus ; un sort plus que mérité pour avoir osé m’aventurer dans le DLC.”
– Matthew Kemp, concepteur de jeux, Firesprite
La Danseuse de la Vallée boréale | Dark Souls III
“Alors que le joueur pénètre dans la Cathédrale de Lothric, les portes se referment et les ténèbres engloutissent les lieux. Pour moi, c’est l’un des moments les plus mémorables de la série qui se déroulait devant mes yeux. La Danseuse, s’extirpant des ténèbres qui se déversent, tombe sur le sol et ondule en direction de mon personnage. J’en frissonne encore en repensant au début de ce combat. Si l’affrontement est plutôt calme, le rythme est parfois effréné et le caractère mortel de l’adversaire ne fait aucun doute dès le départ. C’est le premier combat de boss qui m’a paru être une véritable danse entre deux forces qui tentent de prendre le dessus l’une sur l’autre. Cela m’a beaucoup rappelé ma première rencontre avec le Transperceur de Demon’s Souls, mais en plus raffiné. Quand je l’ai enfin emporté, c’était la première fois que j’étais triste d’avoir réussi un boss de la série des Souls. J’en voulais plus… plus de phases de combat, plus de flammes se propageant dans l’arène, juste plus. J’ai hâte de voir ce que nous réserve Elden Ring pour nous faire frissonner à nouveau.”
– Randall Lowe, producteur, Bluepoint Games
Le Roi sans nom | Dark Souls III
“Le combat contre le Roi sans nom est à la fois une lutte et un spectacle. Le boss descend sur le champ de bataille formé de nuages orageux sur le dos d’un énorme dragon. Avec l’élégance et la grandeur qui siéent à son rang, le Roi fait s’abattre l’acier et la foudre sur quiconque affronte son compagnon cracheur de feu. Une fois ce dernier mort, le joueur fait face au Roi sans nom dans un duel en bonne et due forme. Le boss manie la foudre aussi bien que son arme et ses attaques consistent en une remarquable panoplie de coups mêlant acier, bourrasques et éclairs pouvant facilement déstabiliser son adversaire. Peut-être tout aussi intimidante que ses attaques, sa tendance à s’avancer calmement vers le joueur entre deux assauts témoigne de la patience et du sang-froid d’un grand guerrier. Venir à bout de cet adversaire redoutable est le signe d’une maîtrise comparable, sans parler de la fierté d’avoir vaincu le boss qui se tenait au sommet du pic du Dragon ancien.”
– Tucker Cole, artiste technique, Bend Studio
Lady Maria de la Tour astrale | Bloodborne
“En entrant dans la vaste tour où un corps nous attend sur un siège, baigné par la lumière du soleil qui pénètre par la fenêtre ouvragée… j’ai tout de suite su ce qui allait se passer. Par contre, je ne m’attendais pas à ce que cela soit le combat de boss le plus difficile (mais aussi le plus beau) que j’ai eu à livrer de tout le jeu. J’avais vraiment l’impression de danser, guidé par les pas de Lady Maria ; c’est pour cela que c’est mon boss préféré de toute la série.”
“Bien que l’environnement soit principalement vide, les bougies semblables à des cierges disposées sur les côtés et les pétales blancs qui tapissent le sol, le tout éclairé par la magnifique fenêtre de l’horloge créent une atmosphère particulière parfaite pour ce type de combat. Et la musique, sublime, est juste assez rythmée pour vous maintenir en alerte. Cette façon qu’elle a de simplement s’avancer vers vous, nonchalante, sachant qu’elle va vous réduire à néant… une remarquable animation créée pour son personnage.”
“La transition entre chacune de ses phases de combat semblait parfaitement fluide et équilibrée. La phase une est une danse rythmée par des attaques rapides. La phase deux est plus soutenue et se compose d’attaques à plus longue distance où Lady Maria utilise son sang comme une sorte de fouet. La phase trois… c’est désormais du sang ET du feu que vous devez esquiver sans le moindre faux pas, ou c’est la mort assurée. C’était vraiment une expérience incroyable de l’affronter pour la première fois.”
– Ivanna Liittschwager, artiste environnement, Santa Monica Studio
Ludwig, l’Épée sacrée | Bloodborne
“Ce qui commençait comme un affrontement classique entre chasseur et monstre prend soudainement une tournure inattendue en milieu de combat.”
“Ludwig trébuche et s’effondre, blessé. Il trouve à côté de lui l’épée sacrée du clair de lune, sa fidèle lame depuis longtemps égarée. La rage laisse place à la lucidité, balayant Ludwig le Maudit. Les armes qui infligent des dégâts supplémentaires aux monstres sont désormais sans effet. Le monstre aux cris stridents est remplacé par un homme aux traits difformes.”
“Bienvenue à la maison, Ludwig, l’Épée sacrée.”
“S’ensuit alors une des meilleures musiques composées pour Bloodborne. Sous les coups d’épée de Ludwig, le combat se change en une valse brutale mêlant sang et lumière céleste. Chacune des attaques suit les variations de la musique, rythmant le combat telle une danse. Ce qui avait commencé comme un affrontement erratique se termine en un duel élégant entre chasseurs évoluant dans une salle de bal maculée de sang.”
“Ludwing résume parfaitement l’expérience Bloodborne sous la forme d’un boss ; il incarne l’essence de la lutte entre les chasseurs, les monstres et le sang des Grands Anciens.”
– Keano Raubun, concepteur narratif, Nixxes Software
La Chouette (père) | Sekiro: Shadows Die Twice
“Presque chacune des décisions les plus importantes de la vie de Sekiro a été prise pour lui par la Chouette. Forcé de suivre le Code de fer et chargé de protéger Kuro dans l’unique but de le rapprocher de l’Héritage du Dragon. Vous retournez au moment où tout a changé dans la vie d’adulte de Sekiro : le début de la fin du plan de la Chouette. Si la confrontation qui éclate au Château d’Ashina porte sur la loyauté, ce combat est celui d’un père qui abandonne son fils. La Chouette est dans la fleur de l’âge et usera de tout ce qui est en son pouvoir pour vous empêcher de contrecarrer son plan pour obtenir l’immortalité. La retenue laisse place à une explosion d’émotions en début de combat : la colère d’avoir été trahi, la douleur d’avoir été abandonné, la joie de tenir sa vengeance. Les lames parlent à la place des mots. La musique traduit à la perfection la vitesse, l’intensité et la dimension émotionnelle de l’affrontement. La Chouette est l’exemple parfait de ce que FromSoftware fait de mieux : mêler narration et gameplay pour créer une rencontre inoubliable. J’ai hâte de découvrir ce que Elden Ring a à nous offrir.”
– Israel Rey, analyste QA, Bluepoint Games
Le Singe gardien | Sekiro: Shadows Die Twice
“Choisir un seul boss parmi l’incroyable catalogue de FromSoftware, c’est inhumain. Le Monstre affamé aura toujours sa place dans mon cœur, mais je dois reconnaître que le Singe gardien de Sekiro: Shadows Die Twice est une expérience que j’adore raconter.”
“Rien à voir avec le chevalier mort-vivant ou la sinistre abomination que l’on s’attend à rencontrer dans ces jeux. C’est un gigantesque singe qui vous jette ses excréments au visage. À première vue, ce boss a l’air d’une blague.”
“Mais on finit vite de s’amuser après lui avoir coupé la tête. L’écran de victoire apparaît et vous vous apprêtez à partir quand… il se relève, une épée dans une main et sa tête fraîchement coupée dans l’autre.”
“Ce que j’aime le plus, c’est la façon dont FromSoftware est parvenu à animer un gorille plutôt crédible pendant la première phase pour renverser complètement la situation en phase deux où le torse de l’animal ondule et glisse, mi-serpent, mi-danseur de ballet.”
“Étrangement, le mille-pattes géant qui s’extirpe de son cou à la fin du combat nous permet d’y voir plus clair. Le joueur combattait en fait un insecte, un parasite qui vivait à l’intérieur du gorille et qui le manipulait tel un pantin. Aucune cinématique n’explique cela. Aucune note. Tout est dit à travers des images percutantes.”
– Joe Pettinati, scénariste, Naughty Dog
La Dame Papillon | Sekiro: Shadows Die Twice
« On ne rencontre pas souvent de femmes âgées dans les jeux, et encore moins sous les traits de combattantes émérites, alors j’étais fan de la Dame Papillon avant même que le combat ne commence. C’est une redoutable experte des arts martiaux qui déchaîne sur son ancien élève des décennies d’expérience ; un combat qu’elle préférerait éviter, mais qu’elle est tenue de livrer. L’affrontement est une référence en matière de combat au corps-à-corps ; anticipation, équilibre, annulation… tout est tellement parfait. Il est plutôt rare que je puisse dire que la chance n’a rien à voir dans ma victoire contre un boss, mais le combat contre la Dame Papillon est tellement impeccablement orchestré et animé, le rythme et la fluidité des attaques qui permettent de dévier, d’esquiver et qui ouvrent juste la bonne fenêtre d’attaque… Venir à bout de ce boss procure une sensation de maîtrise absolue. Et tout cela sans la moindre forme démoniaque démesurée. Juste un être humain normalement constitué. C’est définitivement l’un de mes boss préférés ».
– Anna Marsh, directrice conception associée, Firesprite
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