Entretien avec le créateur de Tales of Kenzera : Zau, pour trouver la beauté de la création dans la souffrance

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Entretien avec le créateur de Tales of Kenzera : Zau, pour trouver la beauté de la création dans la souffrance

Abubakar Salim explique comment son père, sa culture et la comédie l'ont conduit à créer son propre jeu

Récemment, j’ai eu le plaisir de parler avec Abubakar Salim, fondateur de Surgent Studios et directeur créatif de Tales of Kenzera: Zau. Nous avons parlé de la fondation de son studio et de la manière dont son enfance, la souffrance et la naissance de son enfant sont les clés de voûte du développement de Tales of Kenzera: Zau, qui sortira sur PS5 le 23 avril. Vous pouvez écouter l’entretien complet ici.

Blog PlayStation : Votre jeu nous intrigue depuis qu’il a été annoncé aux Game Awards. Quel est votre sentiment, maintenant que son développement a été rendu public ?

Abubakar Salim : Je suis absolument terrifié. On travaillait dans l’obscurité depuis très longtemps et, soudain, nous avons dévoilé notre projet. Aussitôt, les réactions ont fusé : « Ouah, c’est là-dessus que vous travaillez ! Ça a l’air super ! » Alors on s’est dit qu’on avait versé du sang, de la sueur et des larmes sur ce projet, mais qu’on était très heureux que ce soit si bien reçu.

Tales of Kenzera: Zau est votre premier jeu. À l’origine, vous êtes plutôt un joueur. Comment en êtes-vous arrivé là ?

C’est par mon père que je suis venu aux jeux vidéo. Il a fait mon initiation. Lui-même jouait énormément. Enfin, il me regardait jouer très souvent, et de temps en temps il participait. C’est par ce biais que j’ai découvert l’art de raconter des histoires. Je ne comprenais même pas qu’on pouvait faire carrière dans le jeu vidéo. Pour moi, c’était juste un CD qu’on plaçait dans la PlayStation, et dedans, il y avait des petits lutins qui faisaient tout le boulot.

Qu’on puisse travailler dans cette branche ne m’avait jamais traversé l’esprit. Alors je me suis consacré à l’apprentissage de la comédie, parce que j’ai toujours aimé raconter des histoires. Puis j’ai commencé à travailler dans le jeu vidéo. Assassin’s Creed Origins fut mon premier projet. J’étais un vrai fan de la série Assassin’s Creed. Alors participer à un des titres me ravissait. Et ça m’a permis de vraiment intégrer qu’il y avait des gens qui travaillaient pour produire ces jeux.

Vous avez fait remarquer que l’exploration dans le jeu est une bonne manière pour aborder le thème de la souffrance. Qu’entendez-vous par là ?

La beauté des jeux de type Castlevania ou Metroid, c’est que vous jetez les joueurs sur une carte dont ils ne savent rien et sur laquelle ils sont perdus. Ils essaient de comprendre de quoi il s’agit. Plus ils passent de temps dessus, plus ils s’y sentent à l’aise, pourtant leur aventure reste dangereuse. Pour moi, cela incarne parfaitement ce qu’est la douleur.

On apprend à vivre avec, et ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. On trouve ses limites, et on joue avec. C’est quelque chose que j’ai accepté. De temps en temps, je suis triste, ou en colère. Mais parfois, je ressens un apaisement ou un sentiment de liberté, et tout va bien. Au début, c’est un peu curieux, mais finalement, on s’y habitue et on trouve ça bien. On est préparé.

Le jeu est inspiré par la mythologie bantoue. Pourriez-vous nous en dire plus sur cette mythologie et sur la raison pour laquelle vous l’avez choisie ?

Cela me vient des histoires que me racontait mon père quand j’étais enfant. Mon grand-père était nganga, une sorte de guérisseur traditionnel. Et mon père me racontait toutes ces histoires folles sur ses contacts avec les esprits, et Dieu sait quoi encore. Il me parlait des différentes sortes de génies et d’esprits, et j’ai fini par réaliser que tout cela provenait des mythes bantous.

C’est une sorte d’amalgame des différentes cultures africaines, comme celle des Zoulous, un amalgame riche de leurs contes et de leurs cosmogonies. On y trouve une myriade d’histoires comprenant des morales, et c’est jusqu’à un certain point comparable à la folie des mythologies grecque et nordique. J’avais envie de rendre hommage à mon père, à ce qu’il partageait avec moi et à sa manière de raconter des histoires. C’est une perspective différente à laquelle j’ai eu la chance d’être exposé.

Le jeu parle de surmonter sa douleur, mais le monde en est éclatant et coloré. Était-ce un simple jeu de contraste, ou la direction artistique avait-elle un autre objectif ?

Quand j’ai présenté mon projet à EA, ou même à l’équipe, je voulais raconter l’histoire d’une souffrance, mais je voulais que le jeu soit coloré, éclatant, réactif. Je me souviens qu’après la mort de mon père, j’ai eu l’impression que des vannes s’ouvraient grand. Tout était devenu brillant et bruyant. Je me suis senti comme mis à nu.

Bien que le jeu comprenne de la beauté et l’influence colorée de ces cultures différentes, vous les vivez comme un enfant perclus de chagrin. Ça ne change pas le monde extérieur, et cela fait partie de l’expérience. Zau est toujours contraint d’aller à tel ou tel endroit, et il doit réagir à un monde qui continue de tourner, alors qu’il a l’esprit tout à fait à autre chose.

Le thème de la paternité me rappelle le God of War de Cory Barlog. Comment le fait de devenir parent vous a-t-il influencé ?

Souvent, la douleur vous isole, vous renvoie à vous-même. J’en ris désormais avec mes amis, maintenant que je suis père. Je n’avais encore jamais ressenti la force de protéger quelqu’un au péril de ma vie, alors que nous sommes au début de notre relation. C’est un amour viscéral, et il a contribué à donner forme au monde de Tales of Kenzera.

Au début, le jeu devait contenir des bonus de PV vers lesquels on pouvait se rendre pour régénérer sa santé. Grâce à ma fille Syrah, une inspiration toute différente m’est venue. Et si c’étaient des moments de réflexion ? Si c’étaient des instants pendant lesquels on parle de ce qu’on ressent ?

Pouvez-vous nous parler de la musique ?

Nainita Desai et Rob Brown ont créé quelque chose de magique. Nainita s’est jointe au projet très vite, quand j’en étais encore à expliquer le jeu. Ça parle du voyage d’un jeune chaman, mais c’est aussi une histoire à l’intérieur d’une histoire. Il y a deux cultures, deux perspectives qui s’affrontent, et c’est quelque chose qu’elle a très bien su rendre.

Toute cette expérience a eu quelque chose de surréaliste. J’ai commencé cette aventure dans le but de faire un jeu, mais aussi de proposer ce qui me paraît juste et vrai. Et aujourd’hui, je discute du projet sur le blog de la PlayStation. C’est dément ! Tout s’est déroulé comme dans un rêve. Merci beaucoup.

Tales of Kenzera: Zau sera disponible sur PS5 le 23 avril.

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