
Ken Levine et son équipe plongent dans le processus créatif et les idées qui ont mené à Judas.
Bonjour à tous. Cela fait quelques mois que nous avons partagé notre premier devlog. Nous équilibrons notre temps entre le développement du jeu et le partage de notre progression. Aujourd’hui, nous souhaitions vous offrir un aperçu du processus créatif avec quelques membres clés de l’équipe qui ont façonné le jeu.
Créer un « simulateur de Judas »
Les joueurs pensent souvent que nous commençons à travailler sur nos jeux en attaquant l’histoire, mais nous commençons en réalité toujours par un élément clé du gameplay. Dans BioShock, c’était le Big Daddy et le lien avec les Little Sisters. Dans Infinite, c’était le personnage qui vous accompagne, Elizabeth. Dans Judas, c’est la narration dynamique. Nous nous sommes demandé : « Comment raconter une histoire où les personnages peuvent répondre en temps réel, même au plus petit choix du joueur ? » Trouver comment le faire au niveau systémique nous a pris de nombreuses années. Au final, les pièces du puzzle se sont assemblées autour de notre personnage principal, Judas.
« Le projet a commencé lorsque nous avons voulu raconter des histoires moins linéaires, qui réagissent aux actions des joueurs et se déroulent comme jamais vu dans un jeu de Ken. Cela nous a tout de suite indiqué ce dont nous avions besoin : des personnages aux objectifs importants et opposés, chacun intéressé par les actions du joueur. À partir de ces bases, nous avons passé beaucoup de temps à réfléchir à ces personnages, à leurs conflits, à l’histoire qui les réunirait, ainsi qu’aux systèmes qui lieraient le tout. Pendant longtemps, nous n’avions même pas de protagoniste, seulement une sorte de toile blanche.
Au bout d’un moment, l’histoire et le monde finissent par se réunir en quelque chose de spécifique, et nous avons dû déterminer où le joueur devrait se situer dans cet ensemble. Comme toujours, nous voulions placer le héros au pire endroit possible. Quel genre de personne aurait le plus de mal à gérer toutes ces relations ? C’est alors que Ken est intervenu avec le monologue qui a tout déclenché. – Drew Mitchell, Lead Narrative Designer
Des idées surgissent souvent dans mon esprit lorsque je suis dehors, en train de courir, et un jour j’ai pensé à ce discours qui définirait le personnage que nous étions en train d’essayer de créer. Ce monologue m’est apparu alors que j’essayais tant bien que mal de passer le cinquième kilomètre.
« Je ne mange que de la nourriture de distributeur, parce que je n’aime pas parler aux serveurs. Les restaurants sont plus compliqués : il y a les salutations, les “bonjour” et les “est‑ce que cette table vous convient ?”. Et je me dis : “Pourquoi devrais‑je me soucier de ce que vous me recommandez ? Vous n’êtes pas moi !” Mais ce n’est pas quelque chose que je peux dire, alors je compte les secondes jusqu’à ce que l’interaction se termine, et je réfléchis à des façons acceptables de dire “Allez vous faire f*****.” Parce que pour moi, une conversation est un signe d’échec. Les distributeurs ne me posent jamais de questions auxquelles je ne veux pas répondre. L’échange est purement transactionnel : je mets l’argent dedans, un produit en ressort. Pourquoi les gens ne pourraient‑ils pas être plus comme ça ? » »
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Ken Levine, Studio President & Creative Director
Concept art de Judas
Cet élan de conscience est devenu un repère vers lequel nous nous tournions pour façonner le personnage, et, in fine, pour créer le jeu entier. « Judas », comme elle en est venue à s’appeler, comprend les machines mais peine à comprendre les humains de la même façon. C’est sa plus grande force, mais aussi sa plus grande faiblesse. Nous l’avons placée dans un monde de science‑fiction, à bord d’un vaisseau colonial peuplé de robots, un environnement futuriste qui fait d’une personne comme elle quelqu’un d’extrêmement puissant. Mais c’est aussi un monde où votre réussite dépend de votre capacité à vous conformer aux règles : désobéir aux ordres entraîne souvent l’échec de la mission. Cela fait d’elle une hors‑la‑loi, une paria, une Judas. Cette tension, au cœur du personnage, a modelé l’ensemble du jeu, que nous avons cessé de considérer comme un simple FPS pour commencer à qualifier de « simulateur de Judas ». L’intégralité du jeu repose sur l’idée principale que vous interagissez avec le monde en tant que Judas.
« Là où Judas diffère le plus de BioShock ou BioShock Infinite se voit déjà dans son titre : le jeu porte le nom de son personnage principal. Booker et Jack étaient des étrangers sur une terre étrange, tout comme le joueur. Judas, elle, est native de Mayflower. De plus, elle se trouve au centre des événements qui déclenchent l’histoire du jeu. Elle a un passé avec ce monde et ses habitants, le plus souvent très négatif. Son histoire est bien plus compliquée que de simplement quitter un vaisseau en perdition, et offre au joueur de nombreuses façons de déterminer la façon dont son aventure se déroulera.
C’est toujours risqué de donner au joueur le contrôle d’un personnage déjà bien défini et très expressif. On craint une dissonance entre le joueur et le jeu. C’était donc formidable de voir des testeurs s’arrêter et se demander : « Que ferait Judas dans cette situation ? Comment réagirait‑elle ? » Cela montre qu’ils dialoguent avec le personnage et prennent, elle et son aventure, au sérieux. »
– Drew Mitchell, Lead Narrative Designer
Le Mayflower
Nous voulions communiquer avec le monde comme nous savons le mieux le faire, non seulement à travers le lore mais aussi via les environnements. Un défi unique dans la création de notre vaisseau colonial était de concevoir un espace ayant du vécu, que le joueur puisse explorer. Rapture et Columbia existaient telles quelles depuis leur fondation. Mais le Mayflower a déjà vécu plusieurs décennies durant son voyage, et les choses ont beaucoup changé depuis son départ.
« Au début de son voyage, le Mayflower était un vaisseau pragmatique, conventionnel et modulaire. Mais au fil de sa mission, à cause des conflits entre personnes et idéaux, il est devenu ce que vous voyez aujourd’hui. Nous essayons de transmettre cela à travers l’environnement. Comme dans n’importe quelle ville à longue histoire, on peut distinguer différentes strates du passé en fouillant un peu : des rues d’époques anciennes longtemps enfouies, oubliées, puis recouvertes par les voies sur lesquelles nous marchons aujourd’hui. Le Mayflower étant un vaisseau générationnel, nous voulions imprégner ce monde du même sentiment d’ancienneté, d’histoire et de crédibilité qu’une ville réelle ; c’est une civilisation qui a connu des périodes de conflit et de reconstruction. Avoir des personnages et une architecture reflétant ces couches d’histoire constitue une puissante mécanique de narration visuelle.
Cela permet aux joueurs d’agir en tant qu’historiens tandis qu’ils explorent le Mayflower. À mesure que vous découvrez de nouveaux éléments, vous reconsidérerez vos choix à l’égard de l’histoire et des personnages que vous rencontrerez durant votre aventure. »
– Nathan Phail-Liff, Studio Art Director
Un autre facteur à prendre en compte dans la création de ce monde est que celui‑ci est dynamique, en plus de l’histoire et des personnages. Tout comme pour la narration dynamique, nous avons dû entraîner le système à créer de bons environnements en utilisant des règles et des étiquettes sophistiquées pour peupler le monde d’éléments réalistes.
« Nous avons identifié les pièces du puzzle et les différents éléments que nous voulions créer pour le Mayflower. L’un de ces exemples concerne les logements. Nous n’avons pas un seul type de lieu de vie : plusieurs catégories existent — VIP Pilgrim Quarters, Regular Pilgrim Dorms, jusqu’aux Violator Quarters. L’équipe artistique a créé les différents éléments et matériaux pour ces quartiers, et l’équipe design s’assure que tout s’assemble et reste cohérent par rapport au thème et au gameplay.
Quand nous intégrons l’ensemble dans le jeu, le système doit comprendre ces différentes pièces du puzzle ainsi que la hiérarchie du contenu pour pouvoir les assembler de façon à soutenir la narration. Des lieux plus exclusifs et fortunés peuvent avoir des plafonds plus hauts, des fenêtres géantes et de grandes salles. Mais l’espace Violator se trouve dans les bas‑fonds du vaisseau, et vous devez emprunter ce que nous appelons les “escaliers vers l’enfer” pour vous y rendre, séparant ainsi ces endroits à la fois visuellement et physiquement. »
– Karen Segars, Lead Artist
C’était quelque chose que nous faisions manuellement dans nos jeux précédents, mais cela ne nous permettait pas d’atteindre le dynamisme que nous recherchions. Nous avons donc relevé le défi d’apprendre au système à être à la fois narrateur et décorateur d’intérieur, créant ainsi des règles en lesquelles nous avons confiance pour bâtir un monde crédible et attractif, capable de réagir comme vous ne l’avez jamais vu dans nos jeux précédents.
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