Le directeur Hiroshi Takai, le directeur créatif Kazutoyo Maehiro et le directeur de la localisation Michael-Christopher Koji Fox parlent de la mythologie du monde
La semaine dernière, le producteur Naoki Yoshida et le directeur Hiroshi Takai de Final Fantasy XVI ont dévoilé la nouvelle bande-annonce baptisée Ambition. Dans ce post du blog PS, ils ont évoqué brièvement la mythologie du jeu, et partagé quelques informations supplémentaires sur deux personnages révélés récemment.
Après ce reveal, nous avions d’autres questions. Alors aujourd’hui, ils vont nous emmener un peu plus loin dans le monde de Valisthéa, des Émissaires et des Eikons. Dans cet interview, Hiroshi Takai, le directeur créatif Kazutoyo Maehiro et le directeur de la localisation Michael-Christopher Koji Fox nous parlent, entre autres, de l’approche qu’ils ont choisie pour l’histoire, l’élaboration du monde et les motivations principales des joueurs.
« Le monde de Final Fantasy XVI n’est pas toujours très accueillant et clément. Cela dit, je pense que nous avons réussi à donner vie au quotidien d’un peuple qui refuse d’abandonner tout espoir, et qui continue à lutter pour vivre et survivre. »
– Hiroshi Takai, Directeur principal
PlayStation Blog : Dans cette histoire, que vouliez-vous accomplir qui n’a pas déjà été abordé dans un autre opus de Final Fantasy ?
Hiroshi Takai, Directeur principal, Final Fantasy XVI : Je dirais qu’au début, la série Final Fantasy avait pour ambition de créer des mondes de fantasy pure et de raconter des histoires sur les habitants de ces mondes. La série a progressivement évolué à partir de ce point de départ, s’aventurant parfois dans un domaine plus proche de la science-fiction et mettant davantage l’accent sur les récits initiatiques de ses jeunes personnages. Maintenant que nous en sommes à Final Fantasy XVI, nos joueurs ont grandi, et nous autres, développeurs, sentons le poids des années. Le monde ne s’est pas toujours montré hospitalier, et nous avons appris, à nos dépens, que les happy-endings n’étaient pas systématiques. Il en va de même dans le monde de Valisthéa, et ce, à bien des égards. Ses habitants portent tous leur propre fardeau. C’était le genre de monde que nous voulions montrer. Dans cette optique, le monde de Final Fantasy XVI n’est pas toujours très accueillant et clément. Cela dit, je pense que nous avons réussi à donner vie au quotidien d’un peuple qui refuse d’abandonner tout espoir, et qui continue à lutter pour vivre et survivre. Je veux donc qu’un maximum de joueurs puisse découvrir le monde de Valisthéa ! Et bien sûr, tout n’est pas que noirceur et désespoir !
Pourriez-vous nous expliquer les premières phases de la conception de ce monde ? Commencez-vous par les éléments emblématiques que vous voulez inclure, comme les cristaux et les invocations, avant de vous intéresser aux Émissaires et à leurs approches uniques qui mènent tout naturellement aux nations en guerre, etc. ?
Kazutoyo Maehiro, Directeur artistique et scénario original, Final Fantasy XVI : Dès le tout début du projet, nous avions décidé que les Eikons seraient au premier plan de Final Fantasy XVI. Les invocations étant un élément important de la série des Final Fantasy, je me suis dit que si nous allions parler des Eikons, nous devions nous assurer qu’ils faisaient partie intégrante de l’histoire au lieu d’être de simples sorts ou compétences.
La question s’est alors posée : « S’il y a un monde où les Eikons existent vraiment, à quoi ressemblerait ce monde ? » Ce serait un monde où apercevoir une invocation géante est banal, et pour que ce monde prenne toute son ampleur, il faudrait forger un passé qui en explique les tenants et les aboutissants.
Les étapes suivantes concernent principalement la manière dont j’ai abordé la création d’une intrigue. J’ai commencé par la carte du monde, et à partir de là, j’ai créé l’environnement à proprement dit : le courant des vents, des rivières et des océans, ainsi que l’emplacement des villes. Les fondations étant posées, j’ai ajouté les composantes emblématiques de la série des Final Fantasy, notamment les cristaux, et d’autres éléments inhérents à Final Fantasy XVI, éléments inspirés par la structure générale du monde. Et parallèlement, j’écrivais le passé de ce monde. Après quoi, nous arrivons enfin au point de départ de l’histoire. Ensuite, j’ai créé un récit dont Clive (NDLR L’avatar du joueur) serait toujours au centre. Je me suis appliqué pour que ce personnage ait vraiment la carrure du protagoniste à part entière, et non un énième personnage perdu au beau milieu de plusieurs intrigues.
« Le concept intrinsèque du design de Yoshida-san pour Final Fantasy XVI me fait penser à des montagnes russes, un mélange de montées lentes, suivies de chutes libres palpitantes ! C’est vraiment une excellente manière de décrire comment nous avons essayé de présenter l’aspect narratif. »
– Michael-Christopher Koji Fox, Directeur de la localisation
L’expérience que vous avez acquise lors de la structuration et de l’écriture de l’intrigue et des personnages de Heavensward pour FFXIV vous a-t-elle servi pour FFXVI ?
Michael-Christopher Koji Fox, Directeur de la localisation, Final Fantasy XVI : Oui et non.
Avant toute chose, le Guerrier de la Lumière de FFXIV était un protagoniste silencieux, ce qui a grandement influé sur l’écriture des scènes. Par conséquent, la plupart des cinématiques de XIV mettaient en scène d’AUTRES personnages qui VOUS parlaient. C’était presque exclusivement aux PNJ qu’incombait la lourde tâche de transmettre les informations importantes. Pour XVI, Clive participe activement à toutes les conversations. La manière dont nous pouvons relayer les informations au joueur est donc totalement différente. Dans ce sens, les cinématiques sont beaucoup plus dynamiques. En outre, l’implémentation de captures faciales dans de nombreuses scènes nous a donné l’occasion de communiquer des émotions et des sentiments par l’intermédiaire d’expressions plutôt que de dialogues.
Les différences de genres vidéoludiques ont également eu un impact majeur sur notre approche.
Avec un MMO tel que XIV, l’objectif consistait à créer une histoire qui pouvait durer sur plus de deux ans à l’aide d’extensions. Avec un jeu autonome, l’approche narrative doit être plus compacte et épurée. Quand un jeu autonome fait la part belle à l’action, contrairement à un RPG traditionnel au rythme plus lent, le tempo narratif devient deux fois plus important. Les intrigues politiques ont beau être captivantes, elles s’avèrent souvent complexes et nécessitent de longues explications qui peuvent ralentir le rythme. Si on s’appuie trop sur l’intrigue et les subtilités, on risque de perdre de vue la finalité de la chose. Résultat : le jeu peut en pâtir. Comme nous créons un contenu interactif, notre objectif est d’offrir un bon équilibre. Le concept intrinsèque du design de Yoshida-san pour Final Fantasy XVI me fait penser à des montagnes russes, un mélange de montées lentes, suivies de chutes libres palpitantes ! C’est vraiment une excellente manière de décrire comment nous avons essayé de présenter l’aspect narratif.
Selon leur nation natale, les Émissaires sont vénérés ou considérés comme des armes de guerre : le fait qu’ils soient vus différemment offre un potentiel narratif très riche. Qu’est-ce qui a influencé le développement et le choix de la manière dont chaque nation voyait et utilisait ses Émissaires ?
Koji Fox : Avec chaque nation adoptant une attitude différente envers les Émissaires, nous avons l’occasion de nous intéresser à la manière dont les choses sont perçues selon différentes perspectives : c’est un concept particulièrement pertinent dans un monde où l’on a tendance à avoir une vue binaire des choses. Tout est noir ou blanc, bien ou mal. Comme les Émissaires sont des êtres vivants, la façon dont leurs nations les emploient devient un reflet précis de la manière dont ces nations traitent leurs propres populations. Une nation qui considère son Émissaire comme un simple pion verra probablement ses ressortissants comme des pions à sacrifier pour sauver les pièces les plus importantes. Une nation qui craint son Émissaire sera plus encline à s’en prendre à tous les utilisateurs de magie (Émissaires et Porteurs), alors qu’aux yeux d’une nation qui vénère ses Émissaires, les gens seront respectés comme des égaux.
« La manière dont les Émissaires sont guidés par leur volonté humaine, même après avoir manifesté les Eikons, pourrait bien être une particularité de Final Fantasy XVI. »
– Hiroshi Takai, Directeur principal
Bahamut et Odin sont deux personnages emblématiques de la mythologie de Final Fantasy. Ils ont tous deux été interprétés différemment dans les jeux précédents. Comment l’équipe s’y prend-elle pour que les variantes de FFXVI soient différentes de celles des autres titres de la série ?
Takai : Cette approche ne s’applique pas exclusivement à Bahamut et à Odin. En effet, la manière dont les humains (NDLR Les Émissaires) manifestent les Eikons en eux-mêmes est un élément propre à Final Fantasy XVI. Dion, qui représente Bahamut, et Barnabas, qui est Odin, portent tous les deux leurs propres fardeaux au cours de l’histoire, et s’il y a bien quelque chose de fascinant au sujet de Final Fantasy XVI, c’est la façon dont les formes monstrueuses manifestées par les Émissaires ressemblent plus ou moins aux personnages humains lorsqu’on les regarde bien. Pour la véritable apparence des Eikons, au lieu de créer un design entièrement nouveau, nous avons volontairement opté pour des formes faciles à imaginer à partir des versions précédentes. En y réfléchissant, la manière dont les Émissaires sont guidés par leur volonté humaine, même après avoir manifesté les Eikons, pourrait bien être une particularité de Final Fantasy XVI.
Les Eikons ont beau être tout puissants, ils sont tributaires des Émissaires, et par extension, des nations pour lesquelles ils se battent. Tous les personnages (et pas juste les Émissaires) pensent que leurs actions sont vertueuses. Quelle approche adoptez-vous pour donner vie à des personnages de moralité complexe ?
Maehiro : Les gens ne traitent pas les Émissaires de la même manière. Ils sont humains, et donc, leurs pensées et leurs croyances diffèrent. Dans un pays, les Émissaires sont traités avec le plus grand respect, comme des invités d’honneur, alors que dans d’autres nations, ils sont considérés comme des esclaves. Et alors qu’il y en a qui se battent au nom de la justice, certains n’agissent que par intérêt personnel et d’autres sont contraints d’agir à l’opposé de leur volonté. Il serait facile de croire que les Émissaires peuvent faire ce qu’ils veulent grâce à la puissance extraordinaire des Eikons, mais l’utilisation de leurs pouvoirs produit un effet néfaste : le corps de l’Émissaire se pétrifie. En plus de donner lieu à des troubles auxquels sont confrontés les Émissaires qui ne peuvent pas agir comme ils le souhaitent, ce choix narratif façonne les relations qu’ils entretiennent avec leurs pays et les personnes qui les entourent. Le personnage de chaque Émissaire a été créé en représentant la situation dans laquelle il se trouve, sa volonté et son idéologie personnelles, ainsi que le conflit engendré par ces facteurs.
« Lorsque Masayoshi Soken [NDLR Le compositeur de FFXVI] a entendu les répliques chantées, son équipe et lui ont décidé de créer un accompagnement au luth pour chacune d’elles… malgré le travail supplémentaire que ça leur demanderait. En effet, les enregistrements étaient a capella, et le tempo, ainsi que les tonalités étaient tout sauf homogènes. »
– Michael-Christopher Koji Fox, Directeur de la localisation
Quel personnage de FFXVI a été votre préféré à écrire, et pourquoi ?
Naoki Yoshida, Producteur, Final Fantasy XVI: Le jeu regorge de personnages qui ont tous leurs propres vies et destinées… En choisir un est donc difficile… J’imagine que M. Maehiro, qui est responsable du scénario, vous donnera une réponse similaire. Mais je dois admettre que Clive, le protagoniste, est unique en son genre et très spécial. Comme c’est notre personnage principal, l’équipe de développement met tout en œuvre pour que Clive soit au premier plan. Comment allons-nous faire pour braquer les projecteurs sur lui ? Comment allons-nous nous y prendre pour que ses propos soient lourds de sens ? M. Maehiro et moi-même avons examiné à la loupe chaque partie individuelle et effectué plusieurs demandes pour modifier et peaufiner différents éléments. Voilà donc pourquoi je suis particulièrement attaché à Clive.
Takai : Il n’a pas encore été annoncé, mais j’aime beaucoup le personnage de Byron, qui apparaît au milieu de l’histoire. C’est quelqu’un de très avenant, joyeux et magnanime. Je pense donc que tout comme moi, beaucoup de joueurs seront fans de lui. Malheureusement, je ne peux pas vous en dire trop, sinon on risque le spoiler, mais sa première scène m’a vraiment bouleversé. Pendant mes premières vérifications des cinématiques, j’avais les larmes aux yeux malgré moi. J’imagine qu’il sera dévoilé lors d’une future annonce promotionnelle, alors quand vous le verrez dans le jeu, repensez à cette interview, haha !
Maehiro : Je dirais que mon personnage préféré est Clive, le protagoniste. De tous les personnages que j’ai écrits jusqu’à présent, c’est vraiment à lui que j’ai insufflé le plus de sentiments. À tel point que je ne sais pas si je serai un jour capable d’écrire un personnage plus abouti. À dire vrai, le jeu est truffé de personnages que j’aime beaucoup, mais je ne peux pas en parler pour le moment. Si j’ai l’occasion de donner une autre interview après la sortie du jeu, je les évoquerai dans mes réponses, haha.
Koji Fox : Il y a tellement de personnages uniques dans XVI, qu’en choisir un est vraiment difficile, d’autant plus qu’il y en a beaucoup dont je ne peux pas vous parler, de peur d’en révéler trop sur l’histoire. Donc, en quatrième place, juste après [supprimé], [supprimé] et [supprimé], je dirais le barde qui met en chansons les exploits de Clive. Au début, ce PNJ devait simplement réciter des poèmes quelconques en fonction de l’endroit où Clive se trouvait au sein du scénario principal, mais nous nous sommes dit que ce serait sympa de le voir chanter en bonne et due forme. Nous avons donc contacté un doubleur talentueux qui s’avère avoir été formé aux arts bardiques (hein, ça existe les arts bardiques ?). Nous lui avons demandé d’interpréter deux versions de chaque chanson : une parlée et une autre roucoulée à la manière old-school, en pensant qu’on utiliserait probablement la première variante. Cela dit, lorsque M. Soken (NDLR Le compositeur de Final Fantasy XVI) a entendu les répliques chantées, son équipe et lui ont décidé de créer un accompagnement au luth pour chacune d’elles… malgré le travail supplémentaire que ça leur demanderait. En effet, les enregistrements étaient a capella, et le tempo, ainsi que les tonalités étaient tout sauf homogènes. Et le résultat était tellement fantastique que tous les responsables des autres langues avec doublage (y compris le japonais) ont décidé de suivre le mouvement : ils ont réécrit les paroles pour correspondre aux mélodies, et recruté des chanteurs talentueux afin de donner vie aux chansons. Et tout ça pour un PNJ auquel les joueurs ne parleront peut-être jamais dans le jeu !
Final Fantasy XVI sortira sur PS5 en 2023.
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